T.2 | Chapitre 30

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Hillmore University, Angleterre

Lundi 1er avril

[Kate]

Le regard rivé vers le plafond, j'agite machinalement les bras pour effectuer ma longueur. L'eau s'agite sous mon dos et des éclaboussures s'abattent sur mon visage à chaque fois que ma main fend la surface. Heureusement, ces horribles lunettes protègent mes yeux du chlore.

Je repense à la conversation que j'ai eue avec mon père après sa découverte de ma relation avec Soren. Après l'avoir surpris en train d'interroger mon mec dans les vestiaires, je suis venue le retrouver le lendemain. Je savais qu'il avait besoin que nous en parlions. Je sais que je n'ai pas à me justifier sur mes fréquentations auprès de mon père, j'ai bientôt vingt-deux ans, après tout. Cependant, il n'était pas question d'argumentation ou d'approbation. Comme j'en ai informé Soren dans le vestiaire, mon paternel s'inquiète pour mon avenir, ce qui est une préoccupation légitime pour un papa qui aime sa fille. Je suis donc allée discuter avec lui pour qu'il cesse de se faire des films.

Je pense que notre conversation lui a fait du bien. Je ne lui ai pas parlé des objectifs de Soren, car ce n'est pas à moi de les évoquer. De toute façon, cet échange était bien plus qu'une discussion sur ma vie amoureuse. Le sujet allait au-delà de tout cela. Il fallait que mon père comprenne que mes décisions m'appartiennent, que rester dans cette école ne fait pas de moi une future criminelle, que ce n'est pas sa faute si je fais partie du monde de l'illégalité. Voilà le vrai problème : sa culpabilité.

Tu as fait ce que tu pensais être juste pour sauver ta famille papa. Ne te le reproche jamais.

Je crois qu'en parler plus posément lui a fait du bien. J'avais déjà tenté de le rassurer auparavant, mais mes paroles tombaient à chaque fois dans l'oreille d'un sourd, alors je cessais de m'acharner. Or, cette fois, j'ai persisté. Une fois ce point éclairé, nous en sommes revenus à Soren.

— Tu te souviens, à l'infirmerie lorsque tu étais tombée dans les pommes après ton don de sang, je t'avais demandé si tu étais amoureuse de lui, m'avait-il lancé.

Oui, je m'en souviens très bien.

— J'avais raison. Tu l'étais.

— Je ne le savais pas encore à ce moment-là.

Je n'ai jamais oublié cette conversation à l'infirmerie. Je lui avais affirmé haut et fort, à l'époque, que je ne tomberais plus dans ce piège-là. Force est de constater que j'y suis retombée, les deux pieds en avant.

Je finis ma longueur et ferme un instant les paupières.

Non, ce ne sera pas un piège cette fois.

Je travaille chaque jour sur moi-même pour refouler mes angoisses. Soren n'est pas Rebekka. Peut-être que notre histoire est temporaire, on ne peut jamais prédire les aléas de l'amour, mais il ne me fera jamais le même coup d'elle.

J'ai également appelé ma mère. Nous avons discuté longtemps. Nous avions énormément de choses à nous raconter. J'ai hâte de passer du temps avec elle, cet été. Elle m'a demandé de réfléchir à une destination. J'ai bien envie de choisir Rome, cette année.

Je sors du bassin, le corps trempé, et remonte mes lunettes sur mon front, à la frontière entre ma peau et le latex du bonnet.

Soudain, j'aperçois une jeune femme à la chevelure noire.

Evy !

Je marche au bord de la piscine et la rejoins. Nous nous sommes donné rendez-vous ici après les cours. J'ai promis de lui apprendre à plonger maintenant qu'elle est plus à l'aise avec l'idée de mettre la tête sous l'eau. Evelyna a été traumatisée, plus jeune. C'est ce qu'elle m'a raconté. Le semestre dernier, elle a commencé à venir plusieurs fois ici pour se réconcilier avec ce traumatisme. Elle y parvient plutôt bien. Je suis admirative. Après de nombreux mois d'adaptation, elle veut apprendre à plonger.

PERFECT ENEMIES [T.1 & T.2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant