Hillmore University, Angleterre
Jeudi 21 mars
[Soren]
Un bras accoudé avec nonchalance sur le dossier du banc, je lance en l'air la balle de tennis. Je la rattrape. Je la relance. Cela doit faire plusieurs minutes que j'effectue ce geste en fixant un point dans le vide. L'ombre qui est passée sur le visage de Kate lorsqu'elle a prononcé la date de son anniversaire me perturbe.
— Tu n'en as pas marre de jouer avec cette fichue balle ? râle Zayn à côté de moi.
Nous avons fini notre journée de cours et il fait beau, aujourd'hui. Nous avons donc décidé, sans la moindre concertation, de venir flâner à l'extérieur. Nous nous sommes assis sur un banc décentré des allées, qui donne une vue sur une fontaine en pierre taillée. Les deux grosses gargouilles incrustées dans le pilier central crachent de l'eau en continu.
À la remarque de mon ami, je cesse mon activité. J'enroule la balle de mes doigts et l'inspecte. C'est une balle de tennis comme les autres, légèrement usées et ternies par le temps. Ma coloc me l'a offerte ce matin, avant que je ne quitte notre chambre, et sans m'en rendre compte, je ne l'ai pas lâchée. Je la trimballe donc avec moi depuis le début de la journée.
— Qu'est-ce que tu fous avec ça, d'ailleurs ? reprend-il, son cure-dent en bouche.
Il devrait consulter pour cette manie.
— Un petit cadeau pour mon vingt-deuxième printemps.
Il ricane.
— Vraiment ? Qui t'a gratifié d'un si beau présent ?
L'ironie dans sa voix m'arrache un sourire. Je lui jette un coup d'œil.
— Devine.
— Kate Curseman ?
— La seule et l'unique.
Il s'affale un peu plus sur le banc et lève la tête vers le ciel. S'il n'y avait pas cette brise glacée qui nous oblige à porter des écharpes, on pourrait presque se croire en été. Le bout de bois qu'il a entre les lèvres pointe les cieux et l'image d'un oiseau venant le lui piquer me fait marrer intérieurement.
— Tu devrais peut-être te remettre en question. J'ignore le sous-entendu de ce cadeau, mais je doute qu'il soit positif.
Je suis son regard et laisse mes prunelles se perdre dans l'étendue bleutée qui nous surplombe.
— Une blague de sa part. Quand elle a appris que c'était mon anniversaire, son sarcasme l'a poussée à me donner le premier objet qu'elle avait sous la main. Enfin, dans la main, en l'occurrence.
J'évite de lui mentionner l'épisode du massage et que cette balle est une référence à l'un de nos moments de complicité. Il se foutrait de moi.
Depuis notre retour de Cumbria, Kate envahit mes pensées au point que cela en devienne insoutenable. D'abord, j'ai pensé la fuir, voire retenter le coup auprès du bureau administratif pour qu'il nous sépare. Cependant, j'ai vite chassé cette idée, car je sais d'expérience que ça l'aurait fait grincer des dents. J'ai bien conscience que mon comportement incohérent envers elle l'interpelle. Par peur qu'elle finisse par me confronter, j'ai décidé de ne pas tenter de l'effacer de ma vie. L'ignorer aurait été ridicule. Toutefois, je ne peux nier que j'essaye de l'éviter. Si je reste moi-même quand nous nous retrouvons ensemble dans notre piaule, je tente de limiter ces moments afin de garder le contrôle. J'ai la terrible sensation d'être instable et je crains de rechuter dans ses bras à tout instant.
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PERFECT ENEMIES [T.1 & T.2]
Romance[𝐓𝐨𝐦𝐞 𝟏] : 𝐙𝐚𝐲𝐧 & 𝐄𝐯𝐞𝐥𝐲𝐧𝐚 Après la mort de son père, Evelyna est contrainte de changer d'université. À sa grande surprise, elle est admise à Hillmore University, un établissement aussi prestigieux que mystérieux, qui alimente de nomb...