T.2 | Chapitre 36

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Hillmore University, Angleterre

Jeudi 18 avril

Quelques instants plus tôt

[Soren]

Après avoir claqué la porte de la chambre, je marche d'un pas rapide dans les couloirs de l'internat. Toute personne croisant mon chemin pensera certainement que je suis énervé, vu le rythme effréné de mes pieds, mais il n'en est rien. Je suis dévasté par ce que je viens de faire. Quoique, une part de moi est en effet en colère. En colère contre mon géniteur qui m'empoisonne la vie.

Les mots que j'ai balancés à la figure de Kate me brûlent encore la langue. Lorsque je suis revenu de chez moi dimanche soir, j'aurais dû immédiatement lui parler. Cependant, je n'en ai pas trouvé la force, alors, pendant quatre jours, je l'ai évitée et j'ai demandé à ma sœur d'en faire autant.

— Tu me devras des explications, m'a-t-elle dit.

La seule chose que j'ai pu demander à ma coloc, c'est de me laisser de l'espace. J'espérais que ça me donnerait un peu de temps pour trouver le courage de la quitter, mais ça n'est jamais arrivé. Quand elle m'a confronté tout à l'heure – car Kate déteste ne pas communiquer -, j'ai été obligé de lui jeter toutes ses horreurs. J'ai beau me répéter que c'est la seule solution, le poids de la culpabilité refuse de quitter ma poitrine. Comment ai-je pu faire ça ? Elle qui a déjà souffert d'une peine de cœur récemment.

Je suis déchiré entre mon amour pour elle et mon devoir de la protéger des menaces de mon père.

Peut-être que tu aurais dû lui en parler, me souffle ma conscience.

Argh. J'en ai marre. Je suis perdu. Je me sens minable.

Sans m'en apercevoir, mes jambes m'ont guidé d'elles-mêmes à destination. Je me trouve devant les gradins du terrain de rugby, dans l'allée centrale, à deux pas du vestiaire.

Bien que moins douloureux, mon dos n'est pas complètement guéri. Lorsque j'exerce une pression sur celui-ci, une décharge désagréable me parcourt le corps. Certains hématomes sont vraiment vilains.

En m'arrêtant devant la structure bétonnée, j'ai lâché mon sac que j'avais à la main. Je passe un coup sur mon visage avec ma paume et reprends mon chemin. J'ignore ce qui m'attend lorsque je reviendrai dans notre chambre, après l'entraînement. Kate sera-t-elle partie ailleurs ? Insistera-t-elle pour poursuivre cette conversation ? Se sera-t-elle roulée en boule dans son lit ? Bon sang, je ne suis pas prêt à affronter ses larmes. Ça a déjà été pénible de ravaler les miennes. Au fond de moi, j'espère qu'elle a compris que je ne le pensais pas. J'espère qu'elle a entendu mon cœur se fracturer à chaque mot mensonger qui franchissait mes lèvres.

Mon père m'a donné une semaine pour mettre un terme à notre relation. J'ai encore trois jours pour couper les ponts. Comment puis-je y parvenir ?

Peut-être me déteste-t-elle, maintenant. Ce serait légitime. Je l'ai blessée, je l'ai vu dans son regard larmoyant. J'ai cru mourir. J'ai dû me faire violence pour ne pas me jeter à ses pieds et m'excuser, implorer son pardon en lui expliquant que je n'ai pas le choix, que sinon, mon père l'éliminera. Car pour lui, elle n'est qu'un vulgaire caillou sur le chemin de ses intérêts. Et les cailloux, il les prend et il les lance loin, très loin. Ou bien il les anéantit à coup de massue sans le moindre scrupule.

Qu'est-ce que je vais faire ?

Je lève la tête vers le haut, espérant que quelqu'un me donnera la réponse. Une épaule me bouscule et me ramène à la réalité.

PERFECT ENEMIES [T.1 & T.2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant