Chapitre 18

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Angleterre

Samedi 14 octobre

[Zayn]

Je renifle, les yeux humides. Foutus oignons.

— Ça va mon chou, tu veux un mouchoir ? me propose Esther.

— Ouais.

Ça ne sert à rien de jouer à l'homme fort. J'ai besoin de dégager les larmes qui embuent ma vue.

Elle m'en tend un qu'elle a humidifié, je le frotte sur mes paupières. Putain, ça ne fait qu'empirer !

Je décide donc de me rendre dans la salle de bain. De toute façon, j'ai fini de couper les oignons en rondelle. Lorsque je reviens dans la cuisine, Evy a aplati la pâte à pizza sur le plan de travail couvert de farine. Elle commence à étaler la sauce tomate sur celle-ci.

Après notre discussion sur les balançoires, j'ai réalisé à quel point être ici était une erreur. Je voulais en apprendre plus sur elle, mais j'aurais dû me douter que ça ne pouvait être possible sans en dévoiler sur moi-même. Ça ne doit pas arriver, il y a trop d'enjeux.

Quels enjeux ? me souffle cette petite voix qui m'insupporte.

En vérité, aucun. Evelyna n'est pas comme son père et ne conspire pas pour venger sa mort, elle me l'a indirectement confirmé tout à l'heure. Lui avouer la vérité sur mon compte ne créerait sans doute aucun drame. Le seul résultat serait de la rendre triste.

Elle ne me détesterait même pas si je lui disais avoir souri quand mon père a pressé la détente pour exécuter le sien ? Après tout elle l'aimait.

Aujourd'hui, la seule motivation qui m'empêche de lui dire la vérité, c'est elle-même. Je ne veux pas qu'elle prenne une place dans ma vie. J'ai le sentiment que tout lui révéler nous lierait d'une façon ou d'une autre. Le mensonge est ma seule barrière, mon seul tampon pour me convaincre que je peux encore contrôler la situation.

Il y a aussi mon père. Je ne suis pas certain qu'il apprécierait tout ceci. La dernière chose que je souhaite, c'est lire de la déception dans ses prunelles.

J'ai donc prétexté vouloir lire avant de prendre mes affaires et de me diriger vers la voiture. J'étais prêt à l'emprunter pour me casser d'ici. Toutefois, la gouvernante m'a surprise. Elle m'a grondé comme un enfant. Ça m'a d'abord agacé, puis j'ai ressenti une émotion étrange. Ça ressemblait à de la nostalgie.

Je suis donc reparti en sens inverse et je me suis réellement enfermé dans une pièce pour lire... jusqu'à ce qu'Esther beugle pour nous inviter à préparer des pizzas ensemble. Évidemment, c'est moi qui ai dû m'attaquer au découpage des légumes, dont les oignons. Cette femme est vicieuse.

Durant la préparation, je n'ai pas été très loquace. J'ai surtout observé Evy et sa tante. Une réelle complicité s'est installée entre elles et je me suis plusieurs fois figé devant le sourire et le rire de la jeune femme. Je ne l'avais encore jamais vue aussi légère et insouciante, même lors de ses déjeuners en compagnie de Soren et moi, à l'abri des injures. Ma poitrine m'a chatouillé et je me suis demandé s'il fallait que je le signale, craignant un problème cardiaque.

En silence, je décore ma pizza tandis que les deux femmes s'amusent à représenter un visage sur la leur. Nous les enfournons ensuite dans le grand four.

— Je reviens, je vais me changer, j'ai de la farine partout, déclare Esther.

Elle monte à l'étage, nous laissant seuls.

PERFECT ENEMIES [T.1 & T.2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant