T.2 | Chapitre 3

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Hillmore University

Jeudi 11 janvier

[Kate]

La respiration coupée et le regard fixé sur le fond de la piscine, j'agite les bras de part et d'autre de ma tête, dans une nage du crawl parfaite. Arrivée au bout de ma longueur, dans la petite profondeur, je me redresse sur mes pieds. D'un mouvement devenu automatique au fil des années, j'ôte ensuite mes lunettes en caoutchouc. Je me masse l'arête du nez entre les deux yeux pour faire disparaître la gêne qui s'y était installée à cause de l'élastique trop serré.

C'est le problème, avec les protections de ce genre, on les serre beaucoup trop pour que l'eau ne s'infiltre pas à l'intérieur et on finit avec le crâne ligoté comme un jambon dans son filet.

Je pose les mains sur le bord du bassin et m'extirpe de l'eau. Je me débarrasse ensuite de mon bonnet en silicone avec l'impression de m'arracher la peau du front. Je grimace.

J'ai commencé la natation lors de mon arrivée à Hillmore, il y a plus de trois ans d'ici. Chaque étudiant est obligé de choisir un club pour favoriser les activités extrascolaires jugées importantes par l'établissement. Personnellement, malgré les nombreux choix, je ne savais pas vers quoi me tourner. Je n'ai jamais été une mordue de sport ou une artistique dans l'âme. Sans grandes convictions, je me suis tournée vers la natation. Ça me permettait de bouger un peu. En revanche, je me suis inscrite dans la catégorie « passe-temps ». Il est hors de question que je fasse de la compétition.

Tout le monde peut accéder à la piscine de l'université, elle n'est pas uniquement réservée au club de natation. Néanmoins, en faire partie permet une plus grande souplesse dans les plages horaires.

Je lève la tête vers la grosse horloge accrochée au mur à plusieurs mètres de hauteur. Le bassin vient d'ouvrir pour les autres étudiants. J'ai fini mes longueurs à temps.

Je m'éloigne de l'eau et marche avec l'intention de me diriger vers les vestiaires. L'avantage de pratiquer ce sport, c'est que ça n'étonne personne de me voir avec les globes oculaires rougis comme du chorizo et les joues humides. Je peux tout remettre sur le compte de l'humidité et du chlore.

Cela fait quatre jours que les cours ont repris et que mes journées n'ont plus aucune saveur. Je ne ressens rien d'autre qu'un chagrin sans fin. C'est comme si la vie n'avait plus aucune couleur. Jamais je n'aurais cru qu'une personne prendrait une place si importante dans mon existence, au point que son absence réduise mon monde en cendre.

J'ai toujours trouvé que les peines de cœur n'étaient qu'un prétexte pour se morfondre et pour rester au lit en mangeant de la glace. Maintenant que je le vis, je me rends compte que j'ai bien mal jugé ses impacts. Une histoire d'amour qui prend fin, c'est triste, mais une histoire d'amour qui prend fin et qui n'a jamais été réelle, c'est atroce. Je pense que c'est ce qui m'anéantit le plus ; j'ai été utilisée, réduite au rang d'objet, avant d'être jetée à la poubelle. Je me sens minable.

Ça m'énerve, parce que je ne veux pas pleurer pour Rebekka. Elle ne mérite ni mes larmes ni ma douleur. Ce serait lui donner du contrôle. Pourtant, je dois me rendre à l'évidence ; malgré l'horreur de sa trahison, je n'arrive pas faire comme si rien ne s'était passé entre nous et à reprendre ma vie là où je l'ai laissée.

Je m'arrête et me tape sur les joues pour m'obliger à chasser mes idées noires. Allez, Kate, on va de l'avant, maintenant !

Soudain, un mouvement dans mon champ de vision attire mon attention. Je dévie mes prunelles vers une fille qui porte un bonnet gris métallique. Lorsque j'aperçois son visage balafré, je la reconnais immédiatement. C'est la fille qui était avec les Untouchables.

PERFECT ENEMIES [T.1 & T.2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant