T.2 | Chapitre 25

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Hillmore University, Angleterre

Vendredi 22 mars

[Kate]

— Enfin, j'avais une sœur, autrefois.

J'enlace Soren par-derrière, mon corps plaqué contre son dos. À mes paroles, je le sens se raidir autour de mes bras. Il se remet ensuite en mouvement et se tourne vers moi. Nos visages se font à présent face sur l'oreiller.

— Tu avais ? répète-t-il, l'air grave.

À l'inflexion de sa voix, je devine qu'il a compris pourquoi je me suis corrigée en employant le passé.

— Oui.

Dès l'instant où j'ai aperçu mon coloc roulé en boule dans son lit, j'ai compris que quelque chose n'allait pas. Il émanait de lui une énergie qui appelait au désespoir, je ne l'ai donc pas cru une seule seconde lorsqu'il m'a dit qu'il était simplement épuisé. Sans réfléchir, je me suis allongée à côté de lui. Puisqu'il est tourné vers le mur, je n'avais aucun moyen de déchiffrer les expressions sur sa figure, mais l'enveloppe de tristesse qui l'entoure parlait pour lui. De toute évidence, il ne veut pas me parler de ce qui le tourmente, ce que je peux aussi bien concevoir qu'accepter. Cependant, moi, j'ai choisi de me confier à lui. Je lui fais confiance et je veux le lui montrer. Ma démarche n'a pas pour but de le pousser à se livrer dans un échange de secrets, mais de lui donner un accès à cette partie de moi que je ne divulgue à personne. L'ambiance, notre relation... tout m'indique que le moment est venu de franchir une étape.

— Je suis désolé, lance-t-il.

Je secoue la tête.

— Ne le sois pas. Elle était malade, ça devenait pénible pour elle de vivre.

Une vive émotion m'enserre la gorge, tels des fils barbelés autour d'une clôture. Je déglutis péniblement. Je me revois le jour de mon dixième anniversaire. Papa et maman m'avaient acheté un muffin et les infirmières m'avaient autorisée à y mettre une bougie. Je courais dans les couloirs de l'hôpital de l'aile pédiatrique que je connaissais par cœur. Je me suis ruée dans la chambre de ma petite sœur pour qu'elle puisse souffler la flamme avec moi. Elle adorait ça, souffler les bougies. Toutefois, quand je suis entrée dans la chambre, Maddy était immobile dans son lit. La seconde d'après, les machines auxquelles elle était reliée se sont mises à sonner. Des médecins se sont précipités dans la chambre avant de se figer. Mes parents ont suivi et il y a eu un blanc. Un silence oppressant et douloureux avant que ma mère ne tombe à genoux en poussant un hurlement déchirant, celui d'une maman qui venait de perdre son enfant. Personne n'avait rien dit, mais en un simple regard vers le personnel soignant et les machines, elle avait compris.

Et moi aussi.

J'ai lâché mon muffin, qui s'est écrasé au sol. Sa chute a éteint la petite flamme. J'ai couru vers le lit et j'ai secoué ma sœur.

Maddy, réveille-toi ! C'est mon anniversaire !

Je la chahutais, encore et encore, mais elle restait inerte. Je refusais de croire qu'elle s'était éteinte comme cette maudite bougie. Elle ne pouvait pas partir. J'ai entendu les médecins dire qu'ils lui avaient administré un nouveau traitement. Son état devait s'améliorer.

Deux grandes mains s'étaient ensuite posées sur mes épaules pour m'écarter. Mon père fixait le corps de Maddy avec une expression douloureuse. Il pleurait, mais n'émettait pas le moindre son.

Un pouce caressant ma joue me ramène dans le présent. Je relève mon regard vers celui de Soren et je prends conscience qu'il a balayé une larme solitaire qui cascadait sur ma pommette.

PERFECT ENEMIES [T.1 & T.2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant