Chapitre 27 : Chemin interminable

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Mon cœur explose en mille morceaux. Ma grand-mère est clairement condamnée. Par une putain de tumeur au cerveau. Lorsque mes parents m'ont annoncé ça, leur voix semblaient lointaines. C'est comme-ci tout s'était mis sur pause et que d'un coup la réalité me rattrape en plein fouet. Je ne sens même plus les larmes couler sur mon visage. Je sens que quelqu'un me serre, mais ce peu d'espace devient presque étouffant.

Et là, la panique m'envahit. Je respire fort. Je ne vois plus rien. Je tremble de tout mes membres, même si je suis assise. J'ai la tête qui tourne. Ma grand-mère. Ma douce grand-mère. Celle qui me réconfortait avec ses délicieux gâteaux lorsque je me faisait mal. Celle qui prenait soin de moi, peu importe la situation. Celle qui, comme mes parents, m'encourageait a tous mes matchs de basket. La dernière qu'il me reste. Je retrouve la vue et je vois mes parents affolés autour de moi. Je dois me relever.

Aller Emma, relève toi !

Alors je calme ma respiration et j'essaye de me concentrer pour reprendre mon souffle. Je me calme et j'essaye de percevoir le moindre son. Petit à petit j'entends de plus en plus clairement les voix de mes parents.

Voilà Emma, c'est ça, continue

- -ma !

- -érie

J'essaye de parler mais ma bouche est pâteuse.

- Emma, ma chérie

Maman. C'est sa douce voix. C'est bon. Je l'entends.

- Ça va maman, j'essaye d'articuler, je vais bien.

- Tu es sûre ma puce ? me demande mon père

- Oui papa, ça va maintenant.

J'ai encore la tête qui tourne.

- Je suis désolée, je sanglote, déjà que mamie ne va pas bien, je ne devais pas vous faire ça.

- C'est rien ma chérie, tout va bien, on est là, tous les trois.

Mes parents me serrent tous les deux, et je me sens bien. Protégée. Rien ne peut m'arriver.

Mais la vérité blesse et la réalité me rattrape en plein fouet. Je me remet à pleurer, en pensant à ma grand mère, que je ne reverrai plus jamais.

- Papa, maman, est-ce que vous avez parlé à mamie quand vous êtes allés la voir ?

- Oui ma chérie, elle était réveillée on te l'a dit.

- Alors, est ce que moi aussi, je pourrais aller la voir ? S'il vous plaît.

- Évidemment ma puce, me rassure mon père, on ira la voir je te le promet. Ce soir on se repose un peu et on partira demain. Tu louperas de l'école mai-

- Je m'en fiche, je veux voir mamie ! je l'interrompt

- Oui ma puce ne t'en fais pas !

~

Je n'ai pas appelé Ugo ce soir. Je n'en ai pas la force. Je n'ai d'ailleurs pas touché à mon portable depuis que mes parents sont rentrés. Je suis restés avec eux et il m'ont expliqué ce que les docteurs leur avaient dit. La tumeur de ma grand-mère ne date pas d'aujourd'hui. Cela fait déjà quelques mois qu'elle la rongeait. Elle le savait déjà, d'après mon père, mais on la connait très bien, elle ne voulait pas nous inquiéter et elle a continué de vivre sans rien dire à personne. Même mes oncles et tantes n'en savaient rien. Elle était mon modèle. Elle était forte.

Elle l'est toujours Emma.

Oui mais plus pour longtemps.

Je suis dans mon lit depuis bientôt une heure et je n'arrive pas à trouver le sommeil. J'entends ma porte s'ouvrir et le matelas d'affaisser. Je lève la tête et m'aperçois que Garfield, mon chat, est là. Il s'approche de moi et je le caresse. Sa présence me soulage et m'apaise.

Je fini par m'endormir, les yeux encore pleins de larmes, sûrement gonflés au passage, et le nez tout rouge.

~

C'est ma mère qui est venue me réveiller ce matin. Je me suis habillée avec les premiers habits qui me passaient sous la main, inhabituel chez moi, et j'ai à peine pris le temps de me coiffer. Je mange seulement un bout de pain et je bois un chocolat chaud. Je sais que le simple fait de la voir aujourd'hui va me consoler mais je sais aussi que par la suite, ça va être difficile. Un deuil n'est jamais facile. J'ai perdu mon grand père quand j'avais 4 ans. Je ne m'en rappelle pas vraiment mais je sais que ça avait fait beaucoup de peine à ma mère, normal c'était son père. Le miens a perdu sa mère aussi à cause de la maladie. Elle c'était l'Alzheimer. Il a été bouleversé, à ce que ma mère me racontait, elle ne le reconnaissait ni lui, ni son propre mari. Ça doit être horrible d'aller voir la personne avec qui on a passé toute sa vie, sans qu'elle vous reconnaisse.

- Ma chérie on va y aller, tu es prête ?

Ma mère me sort de mes pensées. Je suis remontée dans ma chambre et j'attendais mes parents pour partir. J'acquiesce en silence et me lève pour partir.

Le trajet jusqu'à l'hôpital se fait en silence, seule la radio vient perturber ce lourd calme. Lorsque mon père se gare sur le parking, j'attends mes parents cette fois, avant de pénétrer dans l'immeuble. Comme la dernière fois, nous nous dirigeons vers l'accueil en formulant la même phrase.

- La chambre de Mme Lane s'il vous plaît

Et avec le même ton de bienveillance, la secrétaire répond.

- Chambre 203, au deuxième étage.

La même que la dernière fois. Elle n'a pas bougée. Alors je suis mes parents à travers le hall jusqu'à l'ascenseur. Ma mère presse le bouton indiquant le numéro 2 et les portes en métal se ferment. Puis la cabine bouge et monte, une montée un peu trop longue à mon goût d'ailleurs. Lorsque le même ding que la dernière fois retentit, les portes s'ouvrent et nous sortons de la cabine, à la recherche de la chambre. Malgré le fait que j'y suis allée plusieurs fois, je vérifie encore les numéros sur les portes pour enfin trouver le numéro 203. Je suis la première à être devant la porte. Je sens la présence de mes parents derrière moi. Leur chaleur corporelle réconfortante qui me soutiennent. Qui m'empêchent de tomber et me permettent de rester debout. Parce qu'un deuil, n'est qu'un simple petit épisode dans la vie certes, mais un épisode extrêmement conséquent et lourd en émotion. Alors avant de commencer ce deuil, je veux profiter des derniers moments qu'il me reste auprès de ma grand mère. Je décide enfin de lever mon poing pour toquer à la porte d'hôpital, qui me sépare de la réalité et qui va me rattraper plus vite que ce que j'espère.

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