Chapitre XXIX

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Ghalia-Meen.
*Souvenir 2, il y a cinq ans.

« Comment ça se fait qu'elle ne verse même pas une seule larme ? »

« Je pense que c'est traumatisant pour elle. »

« Pourquoi a-t-elle un regard aussi vide ? »

« Est-ce qu'elle est au moins triste ? »

« Elle est bizarre cette enfant... »

« Aimait-elle sa mère ? »

Les gens n'ont vraiment aucune retenue. Ou pensent-ils que passer en coup de vent devant moi m'empêche d'entendre ce qu'ils se disent ? D'ailleurs, d'où viennent toutes ces personnes ? Je ne me rappelle pas que ma mère ait connu autant de gens. Des amis ? Sûrement ! Sa seule famille c'est oncle Brice et sa nièce Landra du même âge que moi.

Mais que font des gens qu'elle connaissait à peine à ses funérailles ? En plus, ces personnes osent critiquer la fille de la défunte aussi ouvertement. Si j'avais encore toutes mes émotions, je crois que j'aurais fait un scandale. Mais bon, là tout de suite, j'ai juste envie de m'assoir : j'ai mal au pied à force d'être arrêtée.

Malgré moi, je baille de fatigue devant le cercueil ouvert de ma génitrice. Mes yeux tombent sur son visage tendu à cause de la morphine. Les chirurgiens ont fait du bon travail en reconstituant son faciès au vu de la gravité de l'accident. Ça a dû couter un bras !

« G-Meen ! »

Je tourne la tête vers la voix qui m'appelle d'un ton presqu'enjoué. Oh ! Voilà le pourvoyeur de la chirurgie. Salazar Moreno, riche héritier d'un complexe hôtelier mexicain – et surtout (ex)petit-ami de ma mère – s'avance vers moi d'un pas lent et élégant. Depuis qu'il sortait avec ma mère, je ne l'avais vu que trois pauvres fois, même s'ils étaient ensemble depuis bientôt deux ans. Pas étonnant, vu qu'il ne voulait pas que je fasse partie de sa vie. Arrivé à mon niveau, il m'enlace comme si j'avais perdu quelqu'un... ah oui, c'est le cas.

« Je suis vraiment désolé pour toi ma pauvre petite !, dit-il en se décollant de moi.

- Vous n'avez pas l'air d'être atteint par l'évènement, fais-je remarquer.

- Bien-sûr que ça m'affecte, Nathalia...

- Nathalie, je corrige.

- , Nathalie était une âme que j'appréciais particulièrement. C'est bien pour ça que j'ai organisé des funérailles aussi grandioses. Elle aimait les choses qui brillent.

- Je vous le concède.

- Sois forte, bella ! »

Sans rien ajouter de plus, il se tourne et va vaquer à ses occupations. À le voir se pavaner de la sorte dans la salle, je me dis que ces funérailles sont plus une rencontre d'affaires pour lui qu'une occasion de dire adieu à sa compagne la plus récente. En y pensant, la vie de ma mère a dû être bien triste ces dernières années. Mais finalement je pense qu'elle aussi aimait plus l'argent de son compagnon que son caractère. Sinon pourquoi rester aussi longtemps avec une personne qui ne t'aime pas ?

Je tourne la tête de gauche à droite, histoire de guetter s'il y a quelqu'un qui regarde dans ma direction. En constatant que ce n'est pas le cas, je décide de m'assoir sur la chaise la plus proche : je n'en peux plus, ça fait trop longtemps que je suis arrêtée.

Déjà que depuis que je vis avec Brice et sa fille – c'est-à-dire depuis deux semaines maintenant –, j'ai très peu réussi à dormir au vu du vacarme des plaintes et jérémiades que mon oncle fait chaque nuit. À l'entendre geindre à longueur de soirées, on croirait que c'est lui qui a perdu sa compagne. Enfin, après tout, ils ont toujours été très proches l'un de l'autre depuis la mort – due au VIH/SIDA – de leurs parents il y a déjà 30 ans. J'imagine que ça n'a pas été facile pour eux de vivre dans des familles d'accueil différentes, alors je peux comprendre que quand ils ont repris contact une fois majeurs, leur relation n'en a été que renforcée. Je les ai très souvent entendu dire que c'était eux contre le monde entier.

L'Ombre du Lilas Blanc, Tome 1.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant