Entre nos lignes

31. Décider de s'en aller

ELINA

- Il y a des commentaires négatifs pour ton premier tome, m'annonce Bastien, les yeux plissés sur son écran de téléphone.
— Comment c'est possible ? Il ne sort que dans une semaine.
— Ben j'en sais rien, mais regarde.

Il me tend son téléphone tandis que je lis et relis encore le seul commentaire une étoile qui me descend littéralement le premier tome de ma toute première trilogie.

— Sûrement un haters, propose mon meilleur ami.
— Alors que je n'ai encore publié aucun livre ?

Il hausse les épaules tout en ouvrant la bouche pour dire quelque chose, mais je l'interromps quand une idée, bien que saugrenue, arrive comme une catapulte dans mon cerveau.

— Attends, attends, qui a écrit ça.
— J'en sais rien, c'est simplement un pseudo. Petite luciole.

Mon cœur s'arrête net de battre et mon souffle se fait la malle. Putain, j'en étais sûre.

— Elina, je peux savoir ce qui t'arrive ? m'interpelle Bastien.
— Je sais qui se cache derrière ce surnom, révélé-je, les yeux dans le vague.
— Elina ? Elina, tu m'entends ? Elina, t'es toujours avec moi ? Eh oh, Elina.

Une légère pression sur mon épaule me fait revenir au moment présent dans un léger sursaut. Mes yeux émeraude rencontrent la couleur azur de ceux de Maxime, qui est chez moi pour une séance d'écriture.

— Je... euh... excuse-moi, je... j'étais parti loin, réponds-je, déboussolé.
— Oui, j'ai vu ça. Tu es sûre que ça va ?
— Oui je...

Plutôt que de poursuivre, je soupire.

— En fait, non, je repensais à Nola.
— À cause de ce qu'il s'est passé il y a deux jours ?
— Oui, mais pas que. Je... Je repensais à la fois où elle a failli ruiner ma carrière d'auteure avant même qu'elle ne commence.

Ses sourcils se froncent.

— Comment ça ?
— Elle a utilisé un surnom pour mettre des commentaires haineux sous chaque publication ou même sur les plateformes d'achat.

Mon cœur se comprime sur lui-même rien qu'au souvenir de ces jours d'enfer que j'ai vécu.

— Comment on peut...
— Faire ça à sa propre sœur ? proposé-je.

Il approuve.

— Parce que c'est une sociopathe. Elle aime faire souffrir les autres, dis-je dans un besoin de me confier. Tu sais, quand on était plus jeunes, elle aimait me recopier. S'habiller comme moi, utiliser les mêmes expressions etc... Au début, je trouvais ça mignon, j'adorais être son modèle, mais au fur et à mesure, je me suis rendu compte que c'était bizarre et ça s'et confirmé quand... je l'ai découvert dans le lit avec Jeremy. Et encore plus il y a quelques semaines quand j'ai vu à son doigt la même bague de fiançailles que celle que Jeremy m'avait offerte. Et... ça a été le pompon quand elle a annoncé qu'elle était enceinte.
— Et ta famille cautionne tout ça ? Je ne sais pas elle... a sans doute une pathologie neuronale ou quelque chose comme ça.
— Ils ne sont au courant que de l'histoire avec Jeremy. Pas du reste. Pas même Romain.
— Et ton frère, il lui parle toujours ?

Avant de poursuivre, je me serre un verre d'eau et lui en verse également dans le sien. Puis je regarde la page de document sur mon ordi, qui reste décidément vierge de tout mot.

— Oui. Il a été très affecté par ce qu'elle m'a fait, il lui en a beaucoup voulu d'ailleurs, mais c'est moi qui... lui ait dit qu'il pouvait toujours lui parler, s'il le souhaitait. Après tout, cette histoire ne nous concerne que toutes les deux et... je ne voulais pas qu'il ait un choix à faire entre nous. Avant qu'il ne fête ses trente ans et qu'il a tenu à ce qu'on soit tous là, avec mon aval, je n'avais jamais revu Nola.
— Pas même une fois ? s'étonne-t-il.