23. Le travail avance

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ELINA

Patins aux pieds, écouteurs dans les oreilles, le sourire aux lèvres, mais un air de nostalgie sur le visage, j'entre sur la glace, occupée par une dizaine de personnes. Aujourd'hui, je me le suis promis, c'est la dernière fois que je patine jusqu'à l'arrivée de mon bébé. Je vais bientôt être à cinq mois de grossesse, c'est trop risqué de continuer, bien que ne pas ne faire qu'un avec la glace pendant des mois va beaucoup me manquer, je pense d'abord à mon enfant avant mes propres envies.
Pour m'échauffer je fais quelques tours de pistes puis j'effectue plusieurs sauts, suivis de pirouettes, mais rien de difficile ne de trop dangereux, pour ne pas tomber ni me faire mal. Un Salchow que je réceptionne à la perfection, je ne peux empêcher un grand sourire de se dessiner sur mon visage.
J'augmente le son de mon téléphone, coincé dans la poche de mon legging et effectue une nouvelle fois plusieurs sauts à la suite avant de patiner en arrière, de m'arrêter et de patiner en avant en prenant de la vitesse. J'oublie tout autour de moi, les patineurs amateurs sur la patinoire ne sont que des ombres, mes pensées s'envolent, toutes les ondes négatives de ma vie s'effacent pour ne laisser que la joie et le bonheur intense. Quand mon enfant sera en âge, que ce soit une fille et un garçon, la patinoire sera l'un des endroits publiques où je l'emmènerai en premier. Avec un peu de chance, lui aussi tombera amoureux de ce sport incroyable.
Mais soudain, je m'arrête net en plein milieu quand, dans mes oreilles, retentissent les premières notes de Everglow, une chanson de Coldplay magnifique, mais aussi celle du programme court de Jérémy et Céleste, sa soeur, d'il y a cinq ans, ce qui leur a permis de remporter les Championnat de France de danse sur glace en couple, quelques mois avant notre séparation. Ce même programme que j'ai amélioré pour eux et pour lequel je me suis saigné en conseils pour qu'il soit le plus parfait possible. Pendant des mois, malgré leur coach respectif, j'ai mis un point d'honneur à sculpter leur corps, à les rendre plus forts pour qu'ils aient toutes leurs chances. Ce programme court que je trouvais magnifique et qu'ils interprétaient très bien. Un programme court que je me surprends à reproduire (sans les portés, évidemment) au rythme de la musique. Un programme que, à mon grand étonnement, je connais encore par cœur.
Quand la musique dans mes oreilles se termine, je clos le programme, essoufflé, mais le sourire aux lèvres, heureuse de l'avoir parfaitement effectué, bien qu'il ne m'appartient pas.

— Wow, quelle grâce ! entends-je derrière moi.

Mon corps se fige et quand je me retourne, je fais face à Jeremy, accompagné de sa sœur. Je retire mes écouteurs et reste figé de longues secondes. Il semble réellement impressionné par ma prestation, mais je n'en ai que faire. D'ailleurs, ils ne devraient pas être là.

— Qu'est-ce que vous fichez là ? C'est pas les horaires d'ouvertures pour les pros, à cette heure-là.

C'est justement pour ça que je suis venu : pour ne pas risquer de le croiser.

— On a des pirouettes et portés à répéter, me répond mon ex.

Sa soeur, elle, me regarde comme si elle était en face de la Saint Vierge. J'ai toujours bien aimé Céleste, c'est une sacrée bosseuse, mais je ne l'ai pas revu depuis ma séparation avec Jérémy. Elle n'a pas tellement changé.

— Alors que du monde envahit la patinoire ? Pas très judicieux.
— On voulait surtout le faire hors de la vue de nos coachs, me répond Céleste. C'était magnifique ce que tu as fait, Elina.
— C'était votre programme court d'il y a cinq ans.
— J'ai reconnu, me sourit-il alors que je n'arrive pas à me dérider.

Un silence gênant s'installe, ce qui me pousse à me retourner pour ne plus faire face à mon ex et surtout, pour m'en aller. Maintenant que je suis (étais) détendue, je vais pouvoir aller sereinement à la réunion avec Carine et Maxime qui a lieu dans une heure.

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