— Viens m'attraper, Neria ! cria la petite fille en s'élançant à travers la vaste plaine où les hautes herbes ondulaient sous la caresse du vent.
Neria courut après sa sœur, et lorsqu'il la rattrapa, il la souleva en l'air, la faisant tournoyer au-dessus de lui. Le rire cristallin de la fillette résonna dans l'air, éclatant de joie pure, jusqu'à ce que, soudainement, Neria trébuche en arrière, incapable de retenir sa petite sœur dans sa chute. À ses côtés, son frère cadet le regardait en riant, ses yeux dorés pétillant de malice. Un peu plus loin, la fillette gisait au sol, un genou ensanglanté, le visage grimaçant de douleur.
— Chut, chut ! Ce n'est qu'un tout petit bobo, s'exclama précipitamment Neria. Ce n'est pas la peine de pleurer...
Mais il était déjà trop tard. Les pleurs d'Ida éclatèrent, incontrôlables, des larmes grosses comme des perles dévalant ses joues. Pris de colère, Neria attrapa son frère par le col.
— Pourquoi tu m'as poussé ? Tu as bien vu que je tenais Ida dans les bras !
Le gamin, soudain penaud, sentait déjà les larmes monter dans ses petits yeux dorés.
— Neria ! Repose ton frère tout de suite !
La voix sévère de leur mère traversa la lande, aussi tranchante que le vent d'hiver. Neria savait qu'il n'échapperait pas à la punition, quoi qu'il dise.
— Ma pauvre chérie... viens là que je te soigne, murmura leur mère en prenant Ida dans ses bras avec douceur. Quant à vous deux, venez ici tout de suite, ordonna-t-elle à Neria et son frère, son ton ne souffrant aucune réplique.
Ils rentrèrent dans leur tente, modeste refuge au cœur des plaines sauvages. L'espace était restreint, mais suffisant pour abriter quatre petits lits, une table, quatre chaises, et un réchaud.
— Neria, tu m'expliques ce qui s'est passé ?
— Eh bien... Je tenais Ida quand Meta...
Neria s'interrompit, sentant la petite main de son frère qui tirait sa tunique en feutre kaki. Le regard suppliant de Meta lui fit comprendre qu'il attendait sa protection.
— En fait... Je... Je...
Il hésitait, ses jambes s'agitant nerveusement sous sa tunique de garçon des Vents.
— Je suis tombé tout seul et j'ai blessé Ida. Je n'aurais pas dû la porter aussi haut... Je suis désolé.
La mère posa délicatement Ida sur la plus petite chaise de la tente, avant de sortir de quoi désinfecter la plaie.
— J'apprécie ton honnêteté et tes excuses. Mais tu iras quand même nettoyer l'enclos des Poulardes, dit-elle calmement en s'agenouillant pour soigner le genou de sa fille.
— Maman !! protesta Neria. Pas l'enclos des Poulardes !
— Pas de protestations, jeune homme !
— Mais ça schlingue et en plus je risque de me faire bouffer par l'un des oiseaux de l'enfer...
Sa mère ne l'écoutait plus. Résigné, Neria sortit de la tente en colère.
— Neria fais pas ci, Neria fais pas ça ! J'en ai marre moi. Toujours la même chose ! pesta-t-il, le menton enfoui dans son col.
— Merci Neria, tu es le plus génial des grands frères... remercia Meta, timidement, derrière lui.
— Ouais, c'est la dernière fois ! J'en ai marre de prendre à ta place ! Tu verras, j'espère que Maman t'enverra nettoyer ce satané enclos quand tu seras grand toi aussi !
Neria rabattit sa capuche feutrée sur sa tête et se dirigea, furieux, vers la forêt, laissant Meta seul sur le seuil de la tente, l'air inquiet. Dix minutes plus tard, il atteignit l'enclos des Poulardes. Sa mauvaise humeur s'intensifia en voyant la tâche qui l'attendait. De toutes les corvées, c'était la pire. Il attrapa un seau et une pelle du petit local délabré et commença à racler les déjections des Poulardes, ces créatures mi-cochons mi-oiseaux avec leurs petites ailes ridicules. En jetant les déchets hors de l'enclos, il ne remarqua pas que l'une des bêtes s'était échappée, fouillant le sol de son groin à la recherche de vers.
Un cri perçant fendit soudain l'air, faisant sursauter Neria. Il trébucha contre la plinthe en bois de la porte et se tordit légèrement la cheville en se relevant, couvert de boue et d'herbes. Voyant la Poularde fugueuse se diriger dangereusement vers la falaise, il se précipita pour la rattraper. Les Poulardes sauvages chutaient souvent par mégarde à cause de leur très mauvaise vue. Il était près de l'animal fugueur lorsqu'il vit l'un des Oiseaux géants près du petit cochon. Neria s'arrêta net, essayant de trouver un courant d'air par lequel il pourrait s'engouffrer, attraper le cochon et échapper à l'Oiseau. Ce dernier était en train de cibler son regard sur la Poularde égarée, signe de chasse. Neria le remarqua. Il prit sa pelle, la leva au-dessus de sa tête et fit de grands gestes pour faire fuir l'Oiseau. Mais ce fut en vain. L'Oiseau géant fondit sur la Poularde, la saisissant violemment de ses griffes acérées. Impuissant, Neria regarda la Bête s'élever dans le ciel brumeux des montagnes arborées, emportant l'animal dans sa fuite.
— Non ! Maman va me tuer !
Il jeta la pelle et leseau au sol, puis, sans réfléchir, se lança à la poursuite de l'Oiseau dans laforêt dense qui dominait l'océan sombre en contrebas. Après des heures derecherches infructueuses, la nuit tombée, Neria abandonna, contraint de laisserla Poularde à son funeste sort. Tandis qu'il rebroussait chemin, son attentionfut attirée par une étrange pierre posée dans l'herbe, au pied d'un arbre.Intrigué, il s'approcha. Contrairement aux pierres ordinaires des terres de Lumrose,celle-ci émettait une lueur opalescente, comme si un rayon de soleil lacaressait. Pourtant, il faisait nuit, les étoiles scintillant dans le ciel guède,parsemé de nuages cotonneux. Il fit tourner la pierre dans sa main etdistingua, de façon infiniment discrète permise par son pouvoir ancestral deVenteur, plusieurs fils éthérés miroitants, liant le ciel, au-delà de ce qu'ilpouvait voir, et l'intérieur du sol, comme s'ils s'immisçaient dans la terresans aucune trace, là, sous ses pieds. Fasciné, Neria effleura les fils de sesdoigts, et l'instant d'après, il se retrouva plongé au cœur d'une junglesauvage.
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Les Lunes d'Atéor - Livre I
ParanormalDans un monde magique, des destins s'entrecroisent autour de mystères anciens et de pouvoirs uniques. Éphémère, une jeune fille dotée d'une capacité surnaturelle, entre en communication avec Orgon, un garçon hanté par la culpabilité d'un accident tr...