L'intrus

16 1 0
                                    

Cela faisait presque quinze jours que la bande se terrait dans la paillote des jumeaux, sans qu'aucune décision ne soit prise.

— Il va bien falloir trouver une solution à cette histoire de fin du monde, et sauver mon frère au passage ! rouspéta Amatos. Je pense qu'on doit retourner à Aeris.

— Il faut commencer par retrouver l'origine de tout ça, proposa Ezi.

— Et si le secret se cachait sur Masasumi ? Le conseil semblait en savoir plus qu'il ne le disait, non ? ajouta Maco.

— Et si le secret se trouvait sur Masasumi ? Le conseil avait l'air d'être au courant de quelque chose, non ? dit Maco.

— Si le conseil nous met la main dessus, on est morts, tu te souviens ? répliqua Ezi.

— Dans ce cas, autant retourner à Hathor Sakhmet ! plaisanta Amatos.

Neria n'intervenait pas. Ametiste non plus. Il avait pris sa décision deux jours plus tôt, suivant les conseils d'Ametiste. Il s'était confié à elle, et elle l'avait écouté sans le dissuader. C'était lui qui détenait la pierre, donc la décision lui revenait, s'était-il convaincu. Grâce à Ametiste, il avait compris comment l'utiliser. Cette fois-ci, il savait qu'il arriverait là où il voulait aller.

— Je retourne sur Lumrose, lâcha Neria, coupant le brouhaha.

Maco et Amatos se turent.

— Depuis quand c'est toi qui décides ? Tu ne voulais pas être chef, non ? lança Ezi d'un ton accusateur.

Neria se moquait bien de ce que les autres pensaient. Qu'ils jugent son choix bon ou non, cela lui était égal. Il devait s'assurer que sa mère, son frère et sa sœur allaient bien, le reste importait peu.

— Je pars. Je n'oblige personne à me suivre, trancha-t-il sans accorder un regard à Ezi.

— Et tes amis ? La vie de Nikolai ? Ça ne compte plus pour toi ? répliqua-t-elle, piquée au vif.

Bien sûr que ça comptait. Mais il fallait faire un choix, et il l'avait fait.

— Non, mentit-il sans vaciller.

Ezi, décontenancée, croisa les bras sans rien dire.

— Personne ne vient avec moi ? Vous n'aurez plus la pierre, et je ne suis pas certain de pouvoir la réutiliser.

La bande resta silencieuse.

— Très bien, chacun a fait son choix donc, conclut Neria.

— Mais pas du tout ! s'énerva Ezi. Tu as choisi pour nous !

Neria croisa enfin son regard en colère. Il savait tout cela. Ils allaient tous lui manquer, mais ce n'était pas lui qui avait choisi d'être dans cette situation. Pour une fois, il se sentait seul maître de sa vie.

— Je pars avec toi, Neria, déclara Ametiste.

Neria activa la pierre. Les fils de lumière apparurent, une boule d'angoisse lui serra le ventre.

— Moi aussi, je viens, ajouta Amatos.

— Très bien. Prends la main d'Ametiste, alors.

Il remarqua les larmes dans les yeux d'Ezi mais décida de les ignorer. Après tout, s'il n'avait jamais touché cette pierre, il n'aurait même pas su qu'elle existait. Il saisit la main d'Ametiste et ferma les yeux.

*

Des cris assourdissants percèrent le ciel étoilé. Oui, il était de retour. C'était étrange de retrouver enfin Lumrose. Il scruta les alentours. Ezi et Maco n'étaient plus là. Une part de lui avait espéré qu'ils auraient pris la main d'Amatos au dernier moment. Mais non. Ils avaient préféré rester. Il comprenait, lui aussi voulait être chez lui..

Il reconnut la forêt où il s'était égaré. Au sol, la pierre était là. Etrange, elle n'avait pas traversé avec eux. Il la ramassa et invita Amatos et Ametiste à le suivre. Cette fois-ci, il savait où il allait. Au loin, ils aperçurent le campement et la fumée s'échappant derrière la tente. Sa maison. Enfin. Rapidement, il entraîna ses deux amis jusqu'à l'entrée de la tente en toile brune. Des voix s'élevaient de l'intérieur : Meta, Ida, Maman. Constatant que Neria restait immobile, Amatos frappa à sa place, attiré par l'odeur alléchante de viande qui s'échappait à travers les pans.

— Meta, va ouvrir !

Le cœur de Neria battait à tout rompre. La porte s'ouvrit, révélant un garçon du même âge que Neria lorsqu'il était passé dans la Pierre pour la première fois.

— Neria ? s'étonna l'enfant, stupéfait.

— Neria ?! répéta sa mère, affolée en les rejoignant à la hâte.

— Ton fils ? demanda une voix d'homme.

La mère de Neria le prit dans ses bras, éclatant en sanglots sur son épaule. Lui, ne pouvait détacher son regard de l'homme qui tenait sa petite sœur dans ses bras.

— Où étais-tu passé pendant toutes ces années ? sanglota sa mère.

— Toutes ces années ? répéta Neria, abasourdi.

— Entrez donc, mettez-vous au chaud, invita l'homme. Il reste de la soupe.

— Merci, m'sieur, lança Amatos.

— Enchanté, Neria. Je m'appelle Gretos, dit l'homme en lui tendant la main.

Neria alla s'asseoir sans saluer.

— Combien de temps ai-je été absent ? demanda-t-il à sa mère en observant Meta et Ida, qui avaient bien grandi.

— Quatre ans, Neria, ne le sais-tu donc pas ?

— Quatre ans ?! s'étrangla Amatos en recrachant sa soupe.

Quatre ans. Il avait perdu quatre ans. Sa mère avait refait sa vie, Ida ne le reconnaissait presque plus, et Meta avait pris sa place. C'était trop. Il se leva brusquement et sortit en courant vers la falaise. La pluie martelait son visage.

— Neria ! Neria ! appela Ametiste en le rejoignant.

— Je n'aurais jamais dû revenir ! hurla-t-il au vide.

Ametiste courut après lui mais resta à distance. Elle devinait que la Flamme commençait à s'éveiller dans son dos.

— Neria, je t'en prie, calme-toi !

— Je hais ce monde ! Je déteste cette vie !

La Flamme dévora son t-shirt, dévoilant l'empreinte incandescente du Totem sur son dos. Au-dessus de lui, les Oiseaux hurlaient dans le ciel, se rapprochant inexorablement.

— — Je vous hais, vous aussi ! hurla-t-il aux Oiseaux. C'est à cause de vous tout ça !

Ametiste s'était doucement approchée de Neria pour attraper l'un des pierres dans sa poche. Mais il la repéra et la projeta violemment au loin. Par chance, elle avait réussi à saisir la Pierre de Lune. Elle n'avait plus le choix. Même si elle aurait voulu être la seule à pouvoir le sauver, elle devait le ramener de la Flamme. Cette fois-ci, sa vague ne suffirait pas pour le faire revenir. Personne ne savait qu'elle avait le pouvoir d'ouvrir les portails, et malgré le risque que l'ouverture d'un nouveau passage causerait, elle devait le sauver de lui-même, coûte que coûte.

— N'approchez pas de lui, dit Ametiste en croisant la famille de Neria qui accourait vers lui. Amatos, veille sur lui jusqu'à mon retour, d'accord ? Mais surtout, tiens-toi éloigné !

Amatos était perdu, ne comprenant rien. Ametiste disparut, tandis que Neria, dangereusement proche du vide, semblait sur le point de se laisser submerger par l'Ombre qui s'élevait derrière lui.

Les Lunes d'Atéor - Livre IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant