Les Lunes d'Atéor - Livre I

La séparation

— Que choisis-tu Neria ? Tu viens sur Masasumi avec nous ou tu repars sur Hathor Sakhmet ?

Neria ne savait pas quel chemin choisir. Il savait qu'il devrait se séparer de deux de ses meilleurs amis, peu importe la voie choisie.

— Je dois y réfléchir. Je vais faire un tour dehors.

— Ne déclenche pas la Flamme ou ne te fais pas attraper par un Oiseau ! plaisanta Amatos, essayant de détendre l'atmosphère.

— J'essaierai, répondit Neria dans un sourire voilé.

Il quitta la tente et marcha dans la forêt, ses pensées bouillonant aussi désordonnées que les branches des arbres au-dessus de lui. En arrivant à l'enclos à Poulardes, il remarqua que quelqu'un avait renforcé les barrières et le portail. Il s'accouda à l'une des rambardes et observa les volatiles virevolter en désordre.

— Quels stupides animaux... lança Neria à voix haute, sans vraiment attendre de réponse.

— Moi, je les trouve amusants, rétorqua une voix derrière lui.

Neria se retourna brusquement. C'était Ezi.

— Et dire que tout a commencé ici, soupira Neria, pensif.

— Tu vois tout ça comme une mauvaise chose, je me trompe ?

— Bien sûr ! Nous risquons nos vies pour des choses qui nous dépassent. Tu arrives à y voir un bon côté, toi ?

Neria sut, au moment où il eut terminé sa phrase, il ne voulait pas vraiment dire ça, mais il ne corrigea pas. Ezi resta un instant silencieuse avant de répondre, ses yeux dorés fixant un point lointain.

— Je comprends que tu penses ça Neria, mais tu oublies tous les bons côtés...

— Vas-y, cite-m'en un, la défia Neria.

Ezi prit une inspiration.

— Maco et moi n'avions jamais connu personne hors de notre cercle communautaire, et maintenant nous avons plein de nouveaux amis. Nous avons visité des pays incroyables que nous n'aurions jamais découverts autrement... Et...

Elle s'interrompit un instant, cherchant un autre argument.

— Et j'ai volé sur un Oiseau ! Tu te rends compte ? C'était la chose la plus incroyable que j'aie jamais vécue !

Neria ne répondit pas, déçu, mais il ne pouvait s'empêcher de ressentir une de la joie en voyant l'enthousiasme communicatif d'Ezi.

— Je vais aller sur Hathor Sakhmet, Ezi, finit-il par annoncer, sans oser la regarder.

Il ne la regarda pas lorsqu'il annonça son choix. Ezi ne réagit pas.

— Je vais vieillir, ajouta Neria.

— C'est pour grandir que tu fais ce choix ? C'est ça ta raison ? Que tu vieillisses ? cria-t-elle, furieuse.

Neria recula, décontenancé. Il ne s'attendait pas à cette réaction. En lui disant la vraie raison de son choix, il pensait qu'elle comprendrait, qu'elle serait contente. Il voulait juste devenir plus grand, avoir son âge, peut-être même être plus vieux qu'elle. Il aimerait grandir en taille aussi et ne pas avoir à lever la tête pour regarder ses captivants yeux dorés.

— Tu risques ta vie, et la seule raison que tu me donnes, c'est ton âge ? Neria, tu ne peux pas faire ça ! Il faut que tu choisisses pour une vraie raison ! Pourquoi tu veux gran...

Sans réfléchir, Neria fit le seul geste qui lui vint à l'esprit. Il posa ses lèvres sur les siennes, se hissant maladroitement sur la pointe des pieds. Ezi resta immobile, comme figée.

— Pourquoi... murmura-t-elle, perturbée, se détournant et revenant sur lui plusieurs fois. Pourquoi tu as fait ça ?

— Je... commença Neria, mais il ne trouva pas les mots.

— Non, Neria, tu n'avais pas le droit de... On est amis, tu te souviens ?

— Oui, mais...

— Mais, no ! Je dois y aller.

Ezi partit en courant, laissant Neria seul, envahi par une confusion mêlée de regret. Il retourna rapidement à la tente. Quand il arriva, il vit Ametiste et Amatos rassembler leurs affaires et quelques provisions.

— Où sont Ezi et Maco ? demanda-t-il à Ametiste.

— Ils sont déjà partis. Je leur ai ouvert le portail. Tu voulais leur dire quelque chose ?

— Non, non... Je vais préparer mon sac.

— Tiens, Neria, le voilà, dit une voix douce derrière lui.

Sa mère lui tendait un gros sac à dos préparé avec soin.

— Merci, maman, il ne fallait pas.

— Je suis triste que tu partes, mais cette fois-ci, tu auras tout ce qu'il te faut, dit-elle avec un sourire triste.

Il la prit dans ses bras, serrant fort, conscient de tout ce qu'il laissait derrière lui. Il embrassa Ida et Meta, même si leurs petits visages trahissaient leur colère contre lui. Il salua Gretos d'un signe de tête, puis prit la main d'Ametiste.

— Prêts ? demanda-t-elle aux deux garçons avant qu'ils disparaissent de la tente.

Ce qu'ils avaient oublié, c'est que la pierre de lune de Lumrose, en plus d'alerter les disciples de la Flamme en étant activée, ne les suivrait pas lors de leurs passages. C'est ainsi que, après leur départ, la famille de Neria découvrit, non sans surprise, la pierre de Lune, gisant en plein milieu de la pièce centrale.