Les Lunes d'Atéor - Livre I

La cascade

Ne comprenant pas ce qui se passait, Neria scruta les environs. Son regard fut attiré par un recoin sombre où quelques objets minuscules reposaient en silence. Intrigué, il s'en approcha lentement. Là, à demi enfouies dans la poussière du temps, se dressaient de petites statuettes taillées dans une pierre blanche, rongées par les ans. Il en prit une délicatement entre ses doigts, sentant sous sa paume la froideur et la rugosité du matériau usé. Non loin de ces figures figées, il aperçut des bâtons de bois brut, encore marqués par l'odeur de la forêt, et de petits boutons de couture colorés, éparpillés comme dans un ciel étoilé. Une aire de jeux oubliée, une repaire secret d'enfant, oublié depuis longtemps. Les enfants qui avaient jadis donné vie à ces objets avaient depuis longtemps déserté ces lieux, laissant derrière eux des traces ténues de leur passage. Neria reposa les jouets avec précaution.

Son attention se porta ensuite sur la sortie de la grotte qui se trouvait derrière la grande cascade, captée par le bruit incessant de l'eau qui se déversait en cascade, formant un rideau scintillant. Une pensée traversa son esprit : Ezi et Maco devaient s'inquiéter de son absence. Sans plus réfléchir, Neria se laissa emporter par une intuition, se jetant dans l'eau avec assurance. Il nagea avec aisance dans la cascade, jusqu'à ce qu'un courant fort l'attire, qui formait une sorte d'arche au-dessus du lac. Il le prit, et habilement, s'éleva jusqu'à atterrir sur les berges de la source.

— Comment t'as fait ça ? s'écria Maco, éberlué, depuis le bassin.

Ezi, elle, se dirigeait déjà vers Neria, sa nage maîtrisée rompant la surface de l'eau.

— Je suis Brise-Lame, je peux m'envoler quand je vois un courant, répondit Neria en haussant la voix pour se faire entendre au-dessus du tumulte de l'eau pour atteindre Maco.

Ezi sortit de l'eau, ruisselante, et Neria détourna précipitamment le regard, cachant ses parties intimes avec une gêne palpable. Voir une fille nue était déjà embarrassant, mais se montrer à elle dans le plus simple appareil l'était encore plus.

— C'est un pouvoir incroyable, s'extasia Ezi en essorant ses longues tresses châtain clair.

Neria, abrité derrière un arbre, enfilait son pagne.

— Oui, c'est pas mal, s'enorgueillit Neria. Mais le tien est exceptionnel... pouvoir parler aux animaux !

Neria s'était approché d'Ezi qui remettait ses habits secs.

— Tu pourrais m'apprendre à voler ? demanda Ezi, les yeux pétillants.

Elle se pencha vers lui, collant son nez au sien, impatiente de sa réponse. Gêné, Neria la repoussa doucement.

— Je ne sais pas si c'est quelque chose qui s'apprend, Ezi, je suis né comme ça...

Elle prit sa réponse comme un défi.

— Tu dis que jamais je ne pourrais voler ?

Neria pour échapper à cette joute verbale, se retourna et ramassa son carquois. Soudain, une branche pleine de feuilles vint s'abattre sur ses fesses, le faisant chuter en avant. Ezi éclata de rire, tandis que Neria, perplexe, acceptait la main que lui tendait Maco pour se relever.

— Désolé pour ça, s'excusa Maco en désignant la branche responsable de sa chute. C'est Ezi qui m'a demandé.

— Ezi et moi sommes télépathes, expliqua-t-il. On communique entre nous. Elle parle aux animaux, moi je contrôle les végétaux. Elle s'est donc servie de mon pouvoir pour te faire tomber...

Maco lança un regard sévère à sa sœur.

— Quoi ? Il a insinué que je ne pourrais jamais voler ! se justifia Ezi.

— Ezi... soupira Maco. Elle pense que son pouvoir de télépathie peut s'accroître et qu'elle pourrait s'en servir pour utiliser le gift des autres... précisa Maco.

— Tu saurais faire ça ? s'étonna Neria, soudainement intrigué.

Lui aussi aurait voulu parler aux animaux. Il pourrait ainsi mieux contrôler les Poulardes...

— Je ne sais pas, avoua Ezi avec incertitude, mais si je peux le faire avec Maco, peut-être que c'est possible avec d'autres, who knows...

Neria était curieux de savoir si elle s'était rendu compte qu'elle pouvait transmettre sa vague aux autres. Mais il ne lui dit rien à propos de ce qui s'était passé quand il avait pleuré pour ne pas avoir plus honte de sa faiblesse, et lui proposa un essai.

— Tu veux essayer de communiquer avec moi ? s'étonna Ezi.

— Pourquoi pas, t'as rien à perdre, non ?

Ezi hésita un instant. Et si elle se trompait ? Et si elle ne pouvait pas communiquer avec d'autres que son frère ?

— Allez, essaie ! l'encouragea Neria.