La connexion avec Orgon avait cessé au moment où ses pieds avaient quitté le sol rocheux, comme un fil invisible qui se brise dans un silence glacé. Son souffle se figea. Non, non, ce n'est pas possible ! hurla-t-elle en elle-même, sans qu'aucun son ne franchisse la barrière de ses lèvres tremblantes. Elle chercha désespérément la présence familière, mais il n'était plus là. Le vide résonna en elle, et la vérité s'imposa avec la violence d'une lame tranchante : la connexion s'était éteinte parce qu'il n'était plus. Il était mort, en conclut-elle, le cœur lacéré d'une douleur sourde.
Elle se redressa brusquement et se précipita vers la fenêtre, ses pensées enchevêtrées dans le désordre de ses émotions. Elle n'avait pas saisi, jusqu'à cet instant précis, à quel point elle avait vécu en marge de sa propre existence, passant à côté de ce qui lui importait vraiment, jusqu'à ce que la voix d'Orgon vienne troubler la tranquillité factice de son quotidien. Pour la première fois, elle avait senti son cœur battre avec une force inédite, ses joues s'empourprer d'une chaleur inattendue, son souffle devenir court et précipité. L'excitation d'avoir un confident, même malheureux, même rencontré par un caprice du destin, l'avait éveillée.
Elle releva son long voile, dissimulant ses cheveux roux flamboyants qui cascadaient sur sa tenue, évoquant malgré elle ces divinités des légendes anciennes dont on lui parlait autrefois. Pourtant, elle n'était qu'une jeune fille de dix-neuf ans, promise à un mariage arrangé avec le fils du costumier, Monsieur Louis, une union prévue dans quelques mois à peine. Pourquoi s'était-elle abandonnée à rêver d'une vie qui ne lui appartenait pas, à envisager un avenir qui ne pouvait être sien ? Non, elle le savait bien, elle n'était pas faite pour les songes d'aventure ou les chemins inconnus. Depuis l'enfance, son destin était tracé : elle devait servir le Peuple des Lunes. Orgon n'avait été qu'une chimère passagère, et la chimère s'était évanouie.
Résignée, elle se laissa retomber sur son lit, se plongeant dans l'indifférence coutumière qui l'enveloppait. Comme toujours, elle ne ressentait plus rien. Ses grands yeux bleus, surmontés par deux grandes paupières tombantes, se fixèrent sur le lit opposé. Là, deux petites émeraudes scintillantes la scrutaient avec une curiosité silencieuse depuis l'autre côté de la chambre.
— Tu lui as parlé ? murmura silencieusement une petite voix cristalline.
Ephémère et Luméis, sa sœur, pouvaient communiquer en se regardant. C'était pareil avec tous les membres de sa famille, y compris avec ses quatre autres sœurs, en plus de Luméis. C'était comme ça dans la famille des Véléas. La télépathie intra-familiale était innée. Cela fonctionnait également avec ses cousines. Elle avait essayé une fois. Ephémère n'avait pas envie de partager son secret avec les membres de sa famille et heureusement, la connexion étrange avec Orgon semblait couper le canal de communication intra-familial. Mais Luméis savait, elle comprenait tout sans qu'il soit besoin de parler. Douée d'une clairvoyance rare, elle lisait dans les âmes, percevant ce que les autres tentaient de dissimuler. Elle pouvait voir au-delà des personnes, lire en eux les secrets. Luméis était un peu plus âgée qu'Ephémère et son don de télépathe s'était affiné.
— Il est parti, répondit Ephémère en fermant les yeux.
Elle ne voulait plus y penser. Orgon avait décidé de sauter. Il avait fait son choix . Elle, avait une vie à passer.
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Les Lunes d'Atéor - Livre I
ParanormalDans un monde magique, des destins s'entrecroisent autour de mystères anciens et de pouvoirs uniques. Éphémère, une jeune fille dotée d'une capacité surnaturelle, entre en communication avec Orgon, un garçon hanté par la culpabilité d'un accident tr...