Les Lunes d'Atéor - Livre I

Orgon

Orgon contempla la jungle luxuriante qui l'entourait, son regard brillant d'émerveillement. Il s'était matérialisé mentalement en ce lieu sauvage, si tangible qu'il pouvait presque sentir le vent caresser sa peau. Les bruits des feuilles secouées par la brise et des créatures cachées dans les fourrés envahissaient ses sens. Il pouvait goûter sur sa langue l'arôme unique des fougères orange géantes, et l'essence sucrée des fleurs en forme de trompette qui parsemaient la jungle.

Au milieu de cette nature indomptée, une silhouette attira son attention. Là-bas, de l'autre côté de l'étendue verdoyante, près des sources d'eau chaude, se tenait une jeune fille. Ses cheveux de feu flamboyaient sous la lumière tamisée des lunes, et son teint pâle contrastait avec l'exubérance de la flore environnante. Ses grands yeux bleus, empreints d'une tristesse infinie, le fixaient, captivants. Malgré son apparence fragile dans cet univers brutal, elle semblait parfaitement en harmonie avec la jungle, comme si elle en faisait partie. Chaque mouvement qu'elle effectuait résonnait avec la nature elle-même, comme si elle était la Nature même.

Parmi toutes les filles qu'il avait pu croiser dans sa vie, aucune n'avait la présence d'Ephémère. Il le savait instinctivement, comme une certitude gravée en lui. Parmi toutes celles qu'il avait désirées, Ephémère les surpassait de loin. Ses yeux, ce bleu envoûtant, semblaient s'étendre à l'infini, jusqu'à recouvrir l'univers entier. Orgon ne voyait plus qu'eux, se perdant dans leur immensité. Plus il plongeait dans ce regard, plus il se sentait happé, attiré au cœur d'un océan tumultueux. Autour de lui, des vagues s'écrasaient sur des falaises escarpées, et le grondement de la mer résonnait comme un écho lointain.

Au loin, il aperçut une île de glace, solitaire, qui se dressait au milieu de l'océan déchaîné. En son cœur, une porte creusée dans la montagne l'attirait irrésistiblement. Sans réfléchir, il vola vers elle. En baissant les yeux, il remarqua avec stupeur que ses mains étaient devenues gigantesques, comme agrandies par quelque force mystérieuse. Il atterrit devant l'entrée massive de la montagne et, d'un geste presque désinvolte, abattit la porte d'un coup puissant. Les débris volèrent en éclats autour de lui, mais à cet instant précis, tout bascula.

La vision se déchira brusquement. Orgon fut projeté en arrière, son corps traversant le temps et l'espace à une vitesse vertigineuse, avant de s'écraser violemment sur le sol de la Forêt Noire. Il se redressa, le souffle court, encore hébété par ce qu'il venait de vivre. Une minute plus tôt, il était dans la jungle, envoûté par la présence d'Ephémère, et maintenant il se retrouvait là, le cœur battant la chamade, ses sens en alerte. Il savait, avec une certitude inexplicable : ce qu'il avait vu, c'était l'avenir. Il n'avait jamais eu de telles visions auparavant, et pourtant, il ne pouvait en douter.

Le nom d'Ephémère résonnait encore dans son esprit. Sans perdre une seconde, il enfourcha Kalimos, sa monture fidèle, et s'envola vers l'inconnu, prêt à affronter ce qui l'attendait au-delà des horizons.