La recherche

13 1 0
                                    

Les trois enfants s'enfoncèrent un peu plus dans la jungle. Neria ne reconnaissait aucunement l'endroit. Ezi et Maco avaient l'air de savoir où ils allaient, ce qui rassura Neria. L'air était lourd, saturé de l'odeur musquée des plantes humides et des feuilles en décomposition. Neria, perdu dans ses pensées, se concentra pour ne pas trébucher sur les racines qui jonchaient le sol. Soudain, il repéra de la mousse épaisse couvrant les pierres.

— La mousse, la mousse ! Je crois qu'on arrive, s'écria-t-il plein d'espoir aux deux jeunes qui lui firent signe de se taire.

Maco lui donna discrètement trois flèches et se remit en position de défense, prêt à tirer. Neria essaya de positionner l'une des siennes sur son arc mais dû s'y reprendre à deux fois avant de pouvoir la tenir et avancer en même temps.

— Le Totem peut surgir à tout moment, murmura Maco en direction de Neria qui serra son arc un peu plus.

Ezi se redressa soudain, replaça son arc dans son dos et posa la main sur un tronc d'arbre, les yeux clos. Un silence pesant s'installa, rompu seulement par le bruissement des feuilles. Puis, comme un rêve qui prend forme, un fauve orange émergea de l'ombre. Ezi s'accroupit face à lui et prit délicatement sa lourde patte, pleine de grâce. Le fauve, après un bref échange silencieux, repartit dans la forêt avec une démarche féline, comme s'il n'avait jamais été là.

— C'est bon, on peut chercher, le Totem n'a pas été vu depuis toute à l'heure, il a dût s'enfoncer plus loin, sans doute vers les swamps, dit Ezi, rassurante.

Elle indiqua aux garçons de fouiller le sol à la recherche de la pierre. Neria, de plus en plus fébrile, se tourna vers Maco :

— Comment ta sœur sait-elle tout cela ? Comment sait-elle que le Totem est parti ?

— C'est Panika qui le lui a dit, répondit Maco.

— Panika ? La panthère orange ?

— Oui. Elle change de couleur selon son humeur. Quand elle parle avec Ezi, elle devient bleue, verte ou orange.

— Parler ? Ta sœur discute vraiment avec la panthère ?

— Oui, c'est son gift. Elle parle avec les animaux.

L'esprit de Neria vagabonda un instant, imaginant la panthère en bleu, puis une Poularde bavarde en bleu. Peut-être que les Oiseaux n'en auraient pas voulu. Peut-être que la Poularde ne se serait pas faite attrapée, peut-être qu'il n'aurait pas trouvé cette pierre et serait toujours resté chez lui à Lumrose... Déterminé, il fouilla le sol avec acharnement, retournant les mottes de mousse, repoussant les lianes et dérangeant les insectes. Mais après des heures de recherche, épuisé, il finit par s'écrouler au sol, trempé de sueur, le souffle court. Il avait soif, chaud, dégoulinait de sueur, et il avait une faim de panthère bleue. Il imagina un bon steak de fauve avec un verre de vin rouge sans alcool de ses landes. Maco l'aida à se redresser et lui donna une noix de coco percée. Neria colla sa bouche contre la coquille et déglutit le liquide avec avidité. Lorsqu'il eut terminé, Ezi lui donna une petite pâte de fruit qu'elle avait sortie de l'une des poches de son pagne.

— Ne la mange pas trop vite où tu vas t'évanouir, prévint-elle.

Neria savoura la douceur du fruit, puis s'assit en tailleur, les yeux fermés, tentant de rassembler ses forces. Après un long silence, il se remit subitement à chercher la pierre, fouillant frénétiquement les environs.

— Neria..., intervint Maco en posant sa main sur son bras ensanglanté par les feuillages hostiles, mais Neria, poussé par une détermination désespérée, s'échappa de son emprise.

Il s'enfonça encore plus loin dans la forêt, mais cette fois, une silhouette se dressa devant lui : Panika, majestueuse, ses yeux noirs rivés sur lui, d'un rouge doré menaçant. Neria s'immobilisa, pétrifié.

— Tu peux repartir Panika, dit doucement Ezi en caressant la fourrure soyeuse du cou de la panthère.

Panika frotta sa tête contre les jambes d'Ezi avant de disparaître de nouveau dans l'obscurité.

Neria, à bout de nerfs, s'effondra, la tête enfouie dans ses bras. Des larmes brûlantes coulèrent sur ses joues, incontrôlables. Ezi, désemparée, resta figée. À Masasumi, on ne pleurait pas en public. Mais en voyant Neria, elle imagina perdre Maco, ses parents, sa maison. Elle se tourna alors vers lui avec une compassion nouvelle.

— Ne t'inquiète pas , on trouvera le moyen de te ramener dans ta munzal, rassura-t-elle avec conviction.

Mais Neria ne pouvait s'arrêter de pleurer. Ezi s'assit à côté de lui, en silence. Maco, mal à l'aise, grimpa sur une branche, observant la scène avec distance. Soudain, une vague de froid envahit Neria, faisant cesser les pleurs de Neria qui était maintenant intrigué par cette sensation nouvelle. La vague parcourait son corps doucement, allant de ses pieds à sa tête, sans parvenir à se fixer. Il leva les yeux vers Ezi qui regardait au loin, raide comme une statue. Il l'observa et supposa que la vague glaciale qu'il ressentait reflétait certainement son malaise.

— Ezi ? appela-t-il d'une voix encore tremblante.

Elle se retourna lentement, un léger sourire apaisant se dessinant sur ses lèvres. Comme si son simple regard avait le pouvoir de calmer les tempêtes, la vague d'émotions qui submergeait Neria s'évanouit aussitôt.

— Ça va mieux ? demanda-t-elle avec une douceur teintée d'inquiétude.

Neria baissa les yeux, sentant une chaleur envahir ses joues. Il se sentait honteux, conscient de l'image qu'il devait offrir après avoir laissé couler ses larmes.

— Oui... désolé, balbutia-t-il en se levant, mal à l'aise. Ses joues, encore rosies par l'émotion, trahissaient son trouble.

Pendant ce temps, Maco sauta agilement de l'arbre où il s'était perché. Son visage était empreint d'une détermination farouche, celle d'un guerrier prêt à affronter tous les obstacles.

— Je ne sais pas encore comment, mais on finira par retrouver cette pierre, déclara-t-il avec assurance. On reviendra demain, et le jour suivant, et tous les jours s'il le faut.

Neria secoua la tête, le cœur lourd d'une lassitude qu'il peinait à dissimuler.

— Non... je ne crois pas que je pourrais supporter un nouvel échec, avoua-t-il d'une voix presque brisée.

Il n'osa pas l'avouer, mais il ne voulait pas refaire une journée aussi épuisante. Face à Ezi et à Maco, son endurance était vraiment faible. Il ne se voyait pas encore une fois à devoir s'épuiser pour chercher une pierre dans une jungle hostile.

— Y a-t-il quelqu'un qui pourrait m'aider au sein de votre clan ? demanda-t-il avec une lueur d'espoir, bien que ténue.

Les jumeaux échangèrent un regard. Une communication silencieuse passa entre eux avant qu'Ezi ne prenne la parole.

— Il y a bien le Conseil, finit-elle par dire. Ils sont old, comme la Inaki que tu as rencontrée tout à l'heure. Peut-être savent-ils comment te faire rentrer chez toi...

— Dans ce cas, retournons aux Ruines, dit Neria, résigné.

— Comme tu veux, répondit Maco, le ton neutre.


Les Lunes d'Atéor - Livre IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant