La Bibliothèque d'Aeris

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— Tiens, et tiens, et tiens... énuméra Amatos en distribuant de nouveaux vêtements aux enfants.

Nikolai et Amatos partageaient une chambre dans un hôtel crasseux de la ville, imprégnée de l'odeur rance de l'humidité et de la saleté. Neria et Amatos déplièrent des couvertures sur le sol, créant un semblant de confort sur les planches de bois rugueuses et froides. Dans un coin, Maco, jeune apprenti guérisseur, s'affairait. Il aida Nikolai à se déshabiller, appliquant avec une délicatesse précipitée un onguent fabriqué à la hâte, mélange d'herbes macérées et d'alcool. Le baume dégageait une odeur âcre, qui emplit rapidement la petite pièce aux murs jaunis. Nikolai, malgré la douleur, restait silencieux, les mâchoires serrées. Neria constata que Nikolai n'avait pas de bandes tatouées et en fut rassuré. Au moins, ce n'était pas un meurtrier.

Amatos et Neria furent désignés pour aller chercher de quoi manger en bas, étant les seuls à n'avoir pas subi de blessures trop graves. Ils quittèrent la chambre et s'aventurèrent dans l'escalier bancal, où chaque marche gémissait malgré leur faible poids, menaçant de céder à chaque pas.

— Tu es de Lumrose alors ? engagea Amatos qui commençait à apprécier Neria.

— Oui.

— Tu vis dans un clan ? poursuivit-il.

— Oui...et non, répondit Neria, fermé à plus d'explications.

Cette réponse évasive éveilla la curiosité d'Amatos. Ses yeux pétillants d'intérêt scrutèrent Neria, mais ce dernier, pressentant des questions trop personnelles, choisit de détourner l'attention.

— Et vos parents ? Où sont-ils.

— Morts, répondit Amatos avec une simplicité qui fendit l'air comme une lame. C'est Nikolai qui veille sur moi, maintenant.

Ils arrivèrent devant le comptoir et commandèrent cinq bols de soupe à la betterave. Neria se sentit gêné par la réponse d'Amatos. Neria se tendit à la mention de la mort. Une douleur familière serra son cœur en songeant à son propre père, disparu un an plus tôt. Le souvenir raviva une peine qu'il avait tenté d'enfouir, des larmes commencèrent à brouiller ses yeux. S'il laissait ses yeux pleurer, il ne pourrait peut-être pas s'arrêter... Il devait se ressaisir sur le champs. Il ne devait pas se laisser aller, pas ici, pas maintenant.

— Hum... Comment sont-ils morts? osa-t-il demander, la voix hésitante.

— Mon père a été condamné par le tribunal royal. Il passait ses journées à jouer aux cartes, laissant sa famille dépérir. Ma mère est morte il y a deux ans, une maladie qu'on ne pouvait pas soigner... sûrement à cause de l'alcool. On n'avait pas les moyens de payer un médecin, alors... qui sait, répondit Amatos d'un ton détaché, comme s'il relatait des faits insignifiants.

Neria regretta aussitôt sa question. Il craignait d'avoir ravivé des souvenirs douloureux.

— Vous êtes seuls, tous les deux, alors ? demanda-t-il, une pointe de compassion dans la voix.

— Oui. Nikolai s'occupe bien de moi. Il gagne de l'argent grâce à des transports... pas très légaux, si tu vois ce que je veux dire...chuchota-t-il. Moi, dès que j'aurai dix-huit ans comme lui, je deviendrai Précepteur. Il faut que je te montre mes livres d'ailleurs !

Le serveur apporta un plateau chargé de bols fumants que Neria s'empressa de prendre. Amatos prit des miches de pain. Ils remontèrent l'escalier en silence.

— Par hasard, aurais-tu le Conte des Merveilles ? tenta Neria.

Amatos réfléchit un instant.

— Non, mais je pense savoir où le trouver. Quand partez-vous pour Lumrose ?

— Après-demain, à l'aube.

Les Lunes d'Atéor - Livre IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant