Le vol

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La pluie glaciale balayait le visage de Neria, tandis que son corps frissonnait sous l'assaut du froid.

Il serra les poings, sentant sous ses doigts l'étreinte rugueuse des hautes herbes, détrempées par l'ondée incessante. L'odeur familière de la lande lui parvint, un mélange terreux d'humus et d'embruns salés. Oui, il connaissait bien cette terre boueuse. Il ouvrit les yeux, laissant son regard errer sur le paysage humide et morne qui s'étendait devant lui. Dans cette grisaille, Ezi et Maco détonnaient. Il n'avait jamais remarqué à quel point ils étaient lumineux sur Masasumi. Ils irradiaient comme deux soleils levants un matin d'été sur Lumrose. Leur lumière délicate transperçait la grisaille environnante. Neria les aida à se relever.

— Nous sommes chez toi ? demanda Ezi, ses yeux clairs scrutant les montagnes menaçantes qui se découpaient à l'horizon.

Leur masse imposante semblait encore plus écrasante, renforcée par le grondement lointain des vagues qui se fracassaient contre les falaises. Ezi marcha un peu dans la bruyère. Elle était trempée et grelottait. Neria eut pitié d'elle mais préféra s'adresser à Maco.

— Il nous faut trouver des vêtements chauds.

Maco, acquiesçant, appela sa sœur, et tous trois s'engagèrent à travers la lande battue par les vents. Le cœur de Neria battait à tout rompre, chaque pas le rapprochant de l'espoir fou qui s'était insinué en lui : là, juste au détour de la colline, sa mère l'attendrait, un bol de soupe fumant entre les mains, tandis que Ida et Meta accourraient pour l'embrasser. L'impatience le gagna ; il accéléra, gravissant la pente jusqu'au sommet. Enfin, il observa la vallée qui s'étendait en contre-bas. Maco et Ezi le rejoignirent.

— Nous sommes arrivés ? s'enquit Maco.

En contrebas, une vaste cité portuaire émergeait lentement de la brume. Neria hocha la tête, conscient qu'ils avaient bel et bien atteint le royaume d'Aeris, mais ce n'était pas l'Arche de Lumrose. Neria ne dit rien pendant un moment, digérant la déception d'avoir trop espéré.

— Ce n'est qu'un des innombrables ports d'Aeris, finit-il par dire. Et je ne sais pas lequel, ajouta-t-il pour devancer les questions des jumeaux.

— Alors découvrons-le ! s'exclama Ezi, soudain excitée par l'idée de l'exploration d'un nouvel endroit.

— Si on vous voit comme ça, tout le monde saura que vous n'êtes pas d'ici, les avertit Neria. Vous brillez comme des phares pour les prédateurs.

— Les prédateurs ? Comme le Totem ? s'inquiéta Maco.

— Pire que le Totem...Des Oiseaux ! répondit Neria avec une gravité dramatique exagérée.

Sans attendre, les trois enfants se mirent en route, dévalant la lande en direction du port. Ils finirent par se glisser discrètement dans une ruelle déserte et entrèrent sans bruit dans une maison aux fenêtres entrouvertes. Ils avancèrent à pas feutrés jusqu'à une armoire massive qu'ils ouvrirent avec précaution. Sans plus attendre, ils se débarrassèrent de leurs pagnes trempés et enfilèrent des chemises amples et des pantalons rapiécés. Deux chapeaux de feutre complétèrent leur déguisement, permettant à Maco et Ezi de cacher leurs longs cheveux dessous. Neria sourit en constatant qu'ils semblaient maintenant totalement identiques, à part les quelques tatouages un peu différents qui recouvraient leurs visages. Ezi lui rendit son sourire à son tour.

— Je sais pas où il est ton cha...

Le petit garçon joufflu qui venait d'entrer en parlant dans la chambre, fut arrêté par Maco qui avait glissé derrière lui à vitesse éclair. Il lui plaqua une main sur la bouche. Neria et Ezi finirent de s'habiller tandis que Maco faisait asseoir le gamin sur le lit. Neria s'approcha du garçon, menaçant :

— Si tu parles, t'es mort !

Ezi passa par la fenêtre, suivie de près par Maco. Neria s'attarda un instant, fixant le garçon terrifié avant de disparaître à son tour. Désormais vêtus comme des flibustiers, ils pouvaient se fondre dans la foule et arpenter la ville sans attirer l'attention. Avant de s'engager dans les ruelles bondées, Neria rappela discrètement à ses compagnons de garder le silence pour ne pas trahir leur accent. Ensemble, ils se dirigèrent vers l'une des imposantes caravelles portant le symbole de Lumrose : une épée entourée de deux têtes de dragons.

Neria ne pouvait s'empêcher de caresser la pierre qu'il avait dissimulée dans la poche de son pantalon volé. Ils étaient presque arrivés au navire lorsque le ventre d'Ezi gargouilla bruyamment, trahissant sa faim. D'un commun accord, ils décidèrent de subtiliser un pain laissé à refroidir sur le rebord d'une fenêtre. Maco, avec une habileté sans pareille, s'en saisit et, accroupis dans la boue, les trois enfants se partagèrent la miche en silence avant de reprendre leur route. 

Les Lunes d'Atéor - Livre IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant