La rencontre

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Neria sentit de l'air frais sur sa joue gauche. Son corps était lourd, inerte, son ventre noué par une douleur sourde que l'eau infâme semblait avoir causée. Ses paupières semblaient aussi lourdes que des pierres. Des voix, légères et teintées d'innocence, s'élevèrent tout près de lui.

— Tu crois que c'est un Dieu ? demanda l'une, incertaine.

— Mais non, voyons... Il serait couvert de gold, sinon, répondit l'autre avec assurance.

— Oui, tu as raison... Mais alors, qui est-ce ?

— Un pirate, perhaps. Regarde ses vêtements !

— Oui, un pirate, c'est sûrement ça.

Neria ouvrit les yeux avec difficulté. Deux visages curieux, presque identiques, le fixaient avec intensité. Pendant un instant, il crut voir double, avant de réaliser que l'un des enfants portait des tresses et un cache-poitrine de tissu, tandis que l'autre laissait ses cheveux libres onduler sur son torse nu. Pris de panique, Neria se redressa brusquement, faisant tomber une pluie de grandes feuilles qui l'avaient recouvert comme un linceul. Il ne remarqua pas immédiatement les deux flèches pointées vers lui. Comment avaient-ils dégainé leurs arcs aussi vite ? Le souffle court, il tira instinctivement sur le drap léger en lin qui le couvrait.

— Ne tirez pas ! Je ne suis pas dangereux, balbutia-t-il d'une voix tremblante.

Les enfants hésitèrent, puis abaissèrent lentement leurs armes lorsque Neria précisa qu'il n'était qu'un enfant, tout comme eux. Il soupira de soulagement, son cœur battant encore à tout rompre.

— Je viens de Lumrose. Savez-vous comment y retourner ? demanda-t-il dans l'espoir de déguerpir rapidement de ce lieu étrange.

Les jumeaux échangèrent un regard complice avant d'éclater de rire. La fille, voyant la confusion de Neria, se calma et expliqua en souriant :

— Tu as un accent épouvantable ! On ne comprend rien à ce que tu dis !

Neria tendit l'oreille, perturbé. Lui non plus ne comprenait pas tout à fait la fillette. Pourtant, il savait que c'était la même langue.

— Je m'appelle Neria, dit-il en articulant lentement, essayant de prendre l'accent des jumeaux.

— Moi c'est Ezi, et lui, c'est Maco, répondit gaiement la fille.

Neria jugea qu'ils étaient un peu plus âgés que lui, peut-être quatorze ans. Lui venait de fêter douze. Sa mère avait fait un pain aux raisins avec du miel ce jour-là. Il repensa à sa famille... Ravalant ses larmes, il leur expliqua qu'il était perdu et qu'il cherchait désespérément à retrouver le chemin de Lumrose. Mais ni Ezi ni Maco n'avaient entendu parler d'un tel endroit.

— Peut-être qu'on pourrait trouver une carte dans un livre ? proposa-t-il avec un dernier espoir.

— Un livre ? répétèrent les jumeaux, visiblement ignorants du mot.

Neria chercha des yeux autour de lui. Il ne vit ni livre, ni papier, ni stylo. D'ailleurs, comment un endroit pouvait-il être aussi rudimentaire ? Seuls des bols, un paravent et deux paillasses, dont celle où il était couché précédemment composaient la pièce. Tous en bois.

— Où sommes-nous ? demanda Neria, troublé par la simplicité primitive de la maisonnette.

Même sa modeste tente à Lumrose semblait plus accueillante. Les enfants échangèrent un sourire mystérieux, sans doute à cause de son accent si différent du leur, pensa t-il.

— Dans les Ruines.

— Les Ruines de quoi ? insista Neria, de plus en plus inquiet ?

— Des jardins suspendus de l'Atéor, pardi ! Nous sommes à Masasumi, voyons ! répondit Ezi avec une évidence déconcertante.

Les Lunes d'Atéor - Livre IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant