La sentence

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Cela faisait sept jours que les enfants marchaient dans le désert. Heureusement pour eux, Isis et Ametiste possédaient des dons précieux dans cet environnement aride. Isis pouvait transformer le sable en pierres précieuses, et Ametiste convertissait ces pierres en nourriture et en eau. Ezi et Maco, habitués à la chaleur, avaient retourné leurs vêtements pour en faire des pagnes, tandis que Neria et Amatos, leurs habits en lambeaux et trempés de sueur, souffraient davantage sous le soleil implacable.

Lorsque les deux sœurs s'arrêtèrent soudainement et restèrent silencieuses, les quatre enfants ne savaient plus quoi penser. Les deux filles regardaient droit devant elles, sans cligner des yeux. Ils regardèrent dans la même direction et le virent. Le portail. Comme ceux des pierres, mais encore plus étrange. Il formait une barrière qui coupait le désert en deux, du ciel aux entrailles de la terre.

— Suivez-nous, déclara calmement Isis.

Sans attendre de réponse, elle disparut à l'intérieur du portail avec Ametiste. Neria, sans hésiter, attrapa la main d'Ezi qui saisit celle de Maco, lequel serra la main d'Amatos. En une fraction de seconde, ils se retrouvèrent dans l'agitation d'un souk oriental, l'air embaumé de parfums d'épices et de fruits secs. Ils n'eurent toutefois pas le temps de s'imprégner de l'ambiance, car les deux sœurs les entraînèrent rapidement dans un escalier menant sous les rues pavées de la ville.

Ils descendirent longuement dans un couloir sombre, tandis que, au-dessus de leurs têtes, les bruits étouffés du souk résonnaient. Neria, apprenti ingénieur, estima qu'ils étaient à environ deux mètres sous le sol. Isis frappa à une porte où des symboles semblables à ceux des tatouages d'Ezi et de Maco y étaient incrustés. Celle-ci s'ouvrit lourdement après plusieurs cliquetis de déverrouillage.

— — Bienvenue au Temple des Lunes, annonça-t-elle d'une voix solennelle.

La grande salle où ils entrèrent était éblouissante. Des statues d'animaux et de palmiers en or, en argent et en bronze ornaient le lieu, leurs détails incrustés de lapis-lazuli, d'émeraudes et de rubis. Des bassins reflétaient la lumière tamisée, et des personnes voilées, la tête inclinée, déambulaient silencieusement. Ezi, fascinée, eut l'impression d'entrer dans un monde où la vie avait été figée dans une gangue d'or. L'une des silhouettes mystérieuses s'approcha d'eux.

— Le Conseil Lunaire aura lieu à dix-huit heures, dit Isis de sa voix légèrement érraillée. Profitez de l'hospitalité de notre peuple en attendant. Ezi, si tu veux bien nous suivre, nous te montrerons le Bassin des Déesses. Les autres, voici Lokhor, l'un des serviteurs de la Lune. Il vous conduira à vos appartements. Ne vous attardez pas, le temps passe vite.

Tandis que Neria, Maco et Amatos emboîtèrent le pas à Lokhor, Ezi suivit Isis et Ametiste qui l'invitèrent à se dévêtir et à se plonger dans un bain de lait d'ânesse. Ezi hésita, troublée par l'épaisse texture du liquide blanc. Elle, qui était habituée aux cascades claires de Masasumi, trouvait cette scène surréaliste. Mais l'aura rassurante d'Ametiste la poussa à poser un pied dans l'eau, puis à s'immerger entièrement dans le bain.

Ametiste et Isis sortirent de la pièce, laissant la jeune Ezi profiter de cette parenthèse de bien-être. Ezi aperçut des pétales de fleurs au bord de la baignoire et, en riant, les jeta dans l'eau d'un geste ferme. Elle fit voltiger les pétales autour d'elle. Mais sans s'en rendre compte, elle s'endormit bientôt d'un sommeil lourd dont elle ne se réveilla que lorsque Ametiste vint pour l'habiller.

Pendant ce temps, les garçons avaient également eu l'occasion de se baigner dans des bassins individuels ornés de fleurs, avant de rejoindre une grande salle commune où des fruits les attendaient.

— Allez, dis-nous ce que t'as montré Ametiste, Amatos, lança Neria en ajustant son col propre qui sentait le jasmin.

— Rien, je te l'ai déjà dit. J'ai juste... su que tout irait bien pour mon frère, répondit Amatos.

— Tu l'as "su" ? Comment ça ?

— Je ne sais pas comment te l'expliquer autrement.

Neria fronça les sourcils, frustré, mais il décida de ne pas insister. Amatos venait tout juste de perdre son frère, après tout. Lokhor les mena ensuite à une vaste salle illuminée par des centaines de bougies. Au centre trônait une table de marbre beige, entourée de chaises en grès finement décorées. Neria ne put s'empêcher d'admirer les mosaïques complexes qui tapissaient murs, sol et plafond, une œuvre d'une précision presque surnaturelle.

— Où est ma sœur ? demanda Maco, visiblement inquiet.

Il s'était attendu à la trouver dans la salle. Lokhor, qui resta impassible. Maco murmura quelques mots virulents en atéorien, mais il fut rassuré lorsqu'Isis et Ametiste revinrent, accompagnées d'une troisième jeune femme.

— Ah c'est donc une damoiselle la petite. C'est qu'elle est jolie même la Ezi finalement ! lança Amatos avec un sourire malicieux à Néria.

Neria sentit le rouge lui monter aux joues. Il avait toujours trouvé Ezi attirante, mais il n'avait jamais osé l'avouer, pas même à lui-même. Son caractère imprévisible l'agaçait souvent, mais il appréciait aussi ses manières imparfaites. Toutefois, en la voyant ainsi, parée de voiles et de bijoux, ses yeux dorés soulignés de khôl, il se sentit étrangement troublé. Elle ressemblait à une princesse. Elle lui sourit timidement, surprise de constater que Neria la regardait différemment, et prit place à côté de Maco, visiblement soulagé de la voir en bonne santé, tandis que les deux sœurs s'asseyaient à leur tour. Peu après, six autres silhouettes voilées de blanc pénétrèrent dans la salle et prirent place autour de la table. Le silence qui régna alors était lourd de mystères. Isis prit enfin la parole.

— Le temps presse, commença-t-elle gravement. Bientôt, le monde, tel qu'il a été conçu il y a quatre mille cinq cent quarante-huit ans lors de la Rupture, périra. L'utilisation des fragments de pierre a réveillé des âmes tourmentées oubliées depuis des siècles. Aux quatre coins de notre monde, des territoires deviennent instables et risquent de s'effondrer. Nous avons senti l'appel des Disciples de la Flamme, invoquant l'Héritier. Si la Flamme entre dans notre monde, ce sera la fin de tous les temps.

Elle marqua une pause, se tournant vers Neria.

— — Neria, du clan des Brise-Lames, héritier des contrées d'Aeris, descendant des Dieux du Vent et des Maîtres Dragonniers, a activé les Portails entre les mondes. Amatos, descendant des Dragonniers. Nikolai, absent aujourd'hui, descendant des Dragonniers. Trois âmes, trois étoiles. Ici, Maco et Ezi, jumeaux d'Atéor, descendants de Cronos. Deux âmes, deux lunes. Isis et Ametiste, prêtresses du peuple des Lunes, descendantes de Misios, dieu de la matière, et de Briséis, fille de l'Eveil. Sept âmes, sept lunes, sept fractures, sept temps.

Neria, Amatos et les jumeaux échangèrent des regards confus, ne comprenant pas la portée des paroles d'Isis, mais le ton sacré de la prêtresse les glaça.

— Neria, lève-toi, ordonna Isis.

Tremblant légèrement, il obéit.

— Montre-nous ton dos, s'il te plaît.

Avec appréhension, il se retourna et releva son t-shirt. Des murmures horrifiés traversèrent l'assemblée.

— Lokhor a vu que cetenfant porte la marque de la Flamme. Cette marque est une menace pour noustous. Il doit être sacrifié.

Les Lunes d'Atéor - Livre IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant