La confiance

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Neria n'osait pas bouger. Son dos le faisait souffrir, mais il voulait savourer cet instant. Allongé, les yeux fixés sur le plafond de la grotte, il écoutait les ronflements d'Ezi qui dormait sur son torse. Pour la première fois depuis longtemps, il se sentait libre. La Flamme avait entièrement disparu de lui, le laissant léger, presque aérien. Il ne comprenait pas vraiment comment ils étaient arrivés là, ni pourquoi Ezi avait les cheveux complètement défaits et emmêlés, ou pourquoi elle bavait légèrement sur lui, à plus de deux mille pieds au-dessus de l'océan. Mais il était heureux. Heureux d'être en vie, et surtout, heureux qu'elle se sente assez en sécurité pour s'endormir sur lui.

Le ronflement d'Ezi cessa, et sa tête bougea. Elle releva son visage vers le sien. Neria la regarda, ses yeux bleu et gris brillant d'un mélange de fatigue et de douceur.

— Tu es réveillé ! s'exclama-t-elle en le serrant contre elle.

Il répondit à son étreinte, mais une douleur cuisante dans son dos le fit grimacer, comme si la peau se décollait. Ezi vit son rictus de souffrance.

— Je m'en veux tellement, Neri... Si j'avais su à quel point tu souffrirais après, je n'aurais jamais...

Il s'assit contre le mur de la grotte, cherchant le contact apaisant de la fraîcheur des pierres.

— Tu as bien fait, Ezi...

— Je... Mon vrai nom, c'est Aziméis... lança-t-elle, hésitante.

Neria la regarda, incrédule, un sourire naissant au coin de ses lèvres.

— Si tu te moques de moi, je te rattache une Flamme juste pour pouvoir l'extraire à nouveau !

Neria se mit à rire encore plus Ezi, vexée, se leva et alla s'asseoir au bord de la falaise, regardant le vide avec colère. Neria se calma peu à peu, difficilement. Il observa sa silhouette musclée, tatouée sur tout le corps et la lumière qui irradiait de son corps. Il s'était calmé maintenant et observait celle qui l'avait autant fait s'approcher de la mort que de le faire se sentir vivant.

— Je m'appelle Neriabus.

Ezi se retourna vers lui et sourit. Elle revint s'asseoir à ses côtés avec nonchalance, son bras frôlant le sien.et étala ses jambes à côté des siennes. Neria remarqua avec stupeur les cicatrices qui marquaient le corps d'Ezi. Barkeon l'avait maltraitée. Il tourna la tête vers elle. Elle avait une lèvre enflée, une grosse bosse sur le front et une entaille sur la joue. Son cœur se serra en voyant ses blessures.

— C'est ce foutu Dragonnier qui t'a fait ça ? demanda-t-il en désignant les marques.

— En partie, oui, répondit-elle en pointant du doigt les cicatrices et la bosse sur son front.

— Et ces marques d'épée ? Si Barkeon t'a touchée, je vais le massacrer, grogna Neria.

— Non, ce n'est pas lui.

Ezi le fixa droit dans les yeux, et une ombre de tristesse traversa son regard.

— Pourquoi tu l'as embrassée ? demanda-t-elle, les larmes menaçant de couler.

Neria ne s'attendait pas à cette question. Il resta silencieux, partagé entre la culpabilité et la colère de deviner que c'était Ametiste la responsable de la majorité des blessures d'Ezi.

— Si tu ne veux pas me répondre, alors j'irai chercher la vérité, lança Ezi d'une voix résolue.

Neria n'eut pas le temps de détourner les yeux que déjà Ezi avait plongé dans son regard. Il la retena un moment mais sa présence l'apaisait. Il voulait la sentir dans son esprit. Elle ne ressentit aucune résistance et plongea encore plus dans l'esprit de Neria. Elle se glissa plus profondément, découvrant des souvenirs enfouis : la première fois qu'il l'avait vue, la gêne qu'il avait ressentie en étant nu devant elle, l'admiration qu'il avait pour sa force, le jour où il l'avait trouvé incroyable, et le jour où il avait adoré se faire embrasser dans la forêt et le jour où il avait osé l'embrasser à son tour.

Puis... les souvenirs s'enchaînèrent sur une autre scène qu'il aurait voulu bloquer. Ezi persista, obstinée. Trop tard elle suivait le fil des sentiments... il était blessé lorsqu'elle était partie sans lui dire au revoir après son baiser, comment il s'était senti humilié et abaissé, comment il avait retrouvé sa fierté dans les yeux d'Ametiste, comment il adorait la manière dont elle le regardait avec amour, comment il aimait entretenir son admiration...

Neria sentit clairement qu'Ezi persévérait dans son esprit et il n'aimait pas cela du tout. Il tenta de l'arrêter, mais Ezi était devenue très forte. Elle maitrisait totalement son pouvoir maintenant. Elle ne l'écoutait pas. Elle ne voulait pas l'écouter.

— Ezi, ne fais pas ça, supplia-t-il. Tu sais ce que je ressens pour toi...

— J'ai besoin de comprendre pourquoi cette peste m'a blessée autant de fois, répondit-elle en continuant à fouiller son esprit.

Neria la repoussa plusieurs fois, en vain. Las, il l'a laissé passer et ouvrit son esprit complètement. Il aimait bien Ametiste, même un peu plus que ça. Il aimait être avec elle parce qu'elle lui disait toujours de gentilles choses. Elle ne le contredisait jamais. Et plus il passait du temps avec elle, plus il la trouvait belle. Il voulait l'embrasser ardemment. Il voulait gouter à ses lèvres foncées et sa peau mate. Il voulait passer la main dans ses longs cheveux et respirait l'odeur de jasmin qui s'en dégageait. Et elle lui avait offert une bulle de sécurité en recréant Lumrose sur Hathor, même si cela devait un peu plus dérégler le temps. Il ne pouvait plus se retenir. Ezi ressentit son trouble, son désir... la chaleur de ce baiser volé.

— T'es complètement malade ! explosa Neria en repoussant brutalement Ezi de son esprit. Pourquoi tu as fait ça ?

— Tu ne sais pas ce qu'elle m'a fait endurer, Neria ! Comment as-tu pu...

— Tu n'avais pas le droit de fouiller dans mes pensées comme ça ! s'indigna-t-il.

— Oh, je connais déjà la suite ! Elle me l'a montrée alors qu'elle me torturait, répliqua Ezi, la voix tremblante de colère.

— Ezi, tu n'avais pas le droit. Ce que je ressens, c'est à moi !

— Oh mais j'en ai vu assez de ce que tu ressens pour elle ! Et j'en vois également assez maintenant !

— Si on dérange, on peut vous laisser, plaisanta Maco.

— Maco ?! s'étonna Ezi en levant les yeux.

— On croyait que vous étiez en grand danger, mais apparemment... fit Amatos avec un sourire amusé.

Amatos, utilisant sa force impressionnante, parvint à tordre les barreaux pour leur permettre de sortir. Ezi et Neria échangèrent un regard, impressionnés. Amatos avait grandi, il était plus fort. Ensemble, ils se dirigèrent discrètement vers les escaliers, mais la voix de Barkeon résonna soudain dans le couloir, glaciale.

— Qu'attendez-vous ? hurla Barkeon.

— Le garçon risque de mourir, mon roi.

— Et alors ? Luméis n'est plus là. On en trouvera un autre. Allez-y ! hurla Barkeon.

Les enfants frémirent, se cachant derrière un pilier.

— Nikolai... murmura Amatos lorsqu'il vit son frère retenu par des Anihileurs.

Les Lunes d'Atéor - Livre IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant