Tamyan + Faith : Night

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Satellite Night

Système de Tanibris


La voie métallique résonne dans la carlingue. Un message automatisé, pré-enregistré : il n'y a pas d'IA sentiente dans ce vaisseau de fortune.

Analyse terminée. Atmosphère respirable, mais il est recommandé de ne pas y exposer vos poumons plus de trente-six heures. Température : - 65° Celsius, port de la combinaison de sortie extra-véhiculaire obligatoire. Présence d'eau sous forme gelée, de micro-organismes minéraux, et de vie organique. Je vous recommande d'effectuer les réparations demandées le plus vite possible, et/ou de contacter les secours. Veuillez ne pas vous attarder.

Machinalement, j'appuie sur le bouton rouge de la balise. Sur le moniteur, l'écho du signal balaye la carte vide, comme un sonar dans la nuit noire. Je sais que personne ne va l'intercepter. Et l'atmosphère limite, l'absence de nourriture et la présence d'une mystérieuse vie organique est le cadet de mes soucis. Toutefois, je joins les mains sur mon cœur et ferme les yeux. C'est le moment de me réconcilier avec Dieu.

Merci, Seigneur. Merci d'avoir été là pour moi.

Depuis combien de temps ne m'étais-je pas adressé directement à Lui ? Je pensais avoir perdu la foi, mais finalement, il reste quelque chose de ce qui m'a animé pendant tant d'années. La foi est une lumière qui peut vaciller par moments, mais reste la seule lumière lorsqu'il fait nuit, avait coutume de dire le Père Hatat.

Puis je me souviens de la fin terrible qu'il a eu, de la façon dont il a renié tout ce dont il croyait, en offrant son âme au diable sur un plateau, tout ça dans l'espoir de grapiller quelques minutes de vie supplémentaires.

Mais toi aussi. C'est tout ce que tu as gagné en t'enfuyant, et maintenant, hypocritement, tu te remets à croire en Dieu.

J'ai trouvé cette barge de sauvetage, oui, et on peut dire que c'était une chance inespérée de la trouver sur ce repaire exomorphe, et encore plus d'être en capacité de la piloter. Si le vaisseau de Tamyan n'avait pas contenu autant de technologie humaine – des morceaux volés, qui agrémentaient son navire comme d'ignominieux trophées -, je n'aurais pas pu m'enfuir. Les humains sont incapables de piloter les vaisseaux ældiens. Ce n'est pas qu'une question de connaissances, de langue ou de technologie, mais de biologie, de réflexes. Leurs machines sont trop rapides, et les interfaces de pilotages inaccessibles pour nos sens, même augmentés.

Cela dit, je n'ai fait que repousser ma mort inéluctable, grapiller quelques minutes de vie comme voulait le faire le père Hatat en suppliant cet ældien. Car je vais mourir aussi, sur ce satellite glacé. La barge est morte : elle était déjà vieille, en mauvais état. Je suis coincée sur ce caillou glacé au milieu de nulle part, loin de toute route commerciale.

Et, pire encore, j'ai vu la lueur de comète d'un vaisseau qui entrait dans l'atmosphère. Il s'est crashé non loin, à une centaine de kilomètres. Son occupant ne va pas tarder à venir ici. Je sais qu'il aura survécu à l'impact, d'une façon ou d'une autre, et que ce sera Tamyan.

Il y avait une arme de poing, cachée dans les fournitures de survie. Un émetteur de blast anti-grav du type de ceux qui sont utilisés par l'infanterie républicaine. C'est une bonne arme, particulièrement dévastatrice. Il y a aussi un sac de charges explosives : des mini-têtes thermonucléaires. Mais je sais que ça ne fera rien à Tamyan ni à aucun autre ældien. Il faudrait que je touche son cœur, puis parvienne à le porter à une température supérieure à la fusion d'une étoile. C'est lui-même qui me l'a dit. Sans ça, il se relèvera toujours, même si j'arrivais à le mettre en pièces – ce que, de toute façon, je ne suis pas en capacité de faire. Mais si j'utilise l'une de ces armes contre moi... Je pourrais m'éviter les souffrances atroces qu'il me réserve.

LA CHAIR ET LE MÉTAL (Ne me mords pas)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant