Part 3 Chp 24 - Faith : la haine que je garde pour plus tard

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J'ai cédé. Par lâcheté. J'ai répondu à l'appel du démon, et il est revenu me chercher.

Lorsque sa haute silhouette apparait de l'autre côté de la grille, je réalise que je n'ai jamais aimé Haroun. Le diable m'a pris en son pouvoir. Ce que j'ai pu ressentir à l'époque, la douleur du rejet, de la perte de l'homme que je croyais aimer, n'était rien en comparaison de la tornade d'émotions que me provoque la seule vue de Tamyan. Je suis complètement en son pouvoir. Même l'horrible blessure qui marque son visage me paraît comme un stigmate me semble être la plus belle chose au monde. Les plaques de son armure noire, le cuir moulant qui transparait en-dessous, la manche brodée et déchirée qui dépasse discrètement de sa grande main blanche : toutes ces caractéristiques que je trouvais si détestables ont désormais la saveur du bonheur, et, pire encore, du foyer. Je me sens rassurée de le voir là.

— Faël, dit-t-il en vissant ses grands yeux effilés dans les miens. Recule.

Je m'étais montrée méprisante envers Dasma lorsqu'elle m'avait vanté les charmes obscurs de Tamyan. Surtout lorsqu'elle avait évoqué ses yeux « azur ». Mais elle avait raison. Les puits noirs et pailletés d'or de Tamyan ont laissé place à une couleur impossible, un bleu presque vert, phosphorescent, qui ferait passer l'absinthe de Gerald pour une teinte banale.

En voyant ce secours inopiné, les gens qui sont enfermés ici avec moi se sont rapprochés.

— Est-ce que c'est Ar-waën Elaig Silivren ? murmure quelqu'un. Il va nous sauver ?

Je ne réponds pas. Tamyan, ses traits magnifiques crispés dans l'effort, est en train d'essayer d'arracher la grille.

Finalement, avec un grondement guttural, il parvient à la faire bouger. Il la balance sur le côté comme si c'était une plaque de barbecue, et me regarde avec un demi-sourire, l'expression triomphale. Il est fier de lui.

Regarde ce que je fais pour toi, ma petite esclave, ont l'air de dire ses yeux.

Et le pire, c'est la satisfaction intense que je ressens moi aussi. Le soulagement. L'atroce joie. L'appel qui me tire vers lui, le souvenir du goût de sa peau, de son poids sur moi.

D'autorité, il me précipite contre son corps dur. Ma joue s'écrase contre son plastron à moitié rouillé et couvert de vieilles taches de sang. Une mèche de sa longue chevelure, légèrement bouclée, se colle contre le coin de ma bouche. Son odeur suave envahit mes narines, et ses griffes se referment sur mes épaules.

Je ferme les yeux, accusant le choc. Une immersion dans l'eau glacée. Quand j'ai entendu sa voix puissante tout à l'heure, je n'y croyais pas. Mais il est bien là.

— Tu es sous ma protection, maintenant, ronronne-t-il de son timbre rauque et grave.

Les deux mains sur son torse, je me redresse, relève la tête vers lui.

— Ta protection ? Quelle « protection », Tamyan ? demandé-je d'une voix blanche.

Toute la souffrance, toute la frustration accumulée ces dernières semaines explose en moi, comme cette fichue station. Tamyan, alors que l'Armageddon s'annonce autour de nous, ne quitte pas mes yeux. Les siens sont vissés sur moi, déterminés.

— Celle que tout mâle doit à la femelle qui porte son petit.

Il est donc au courant.

Et cette fois, il ne me laissera pas partir.

— Qui te dis que c'est le tien ?

Il baisse les yeux sur mon ventre.

LA CHAIR ET LE MÉTAL (Ne me mords pas)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant