Vaisseau Elbereth
Localisation inconnue
La grande ældienne à la peau obsidienne me dévisagea des pieds à la tête.
— Ren n'a pas perdu son temps, railla-t-elle. Combien de mois ?
Au début, j'étais contente d'avoir retrouvé Mana. Mais c'est parce que j'avais oublié à quel point elle pouvait se montrer garce.
— Je parle de ton gros ventre, idiote ! insista-t-elle. Première portée ?
Je hochai la tête. Mana m'octroya un sourire vicieux.
— Mmh ! Tu vas souffrir, lors de l'accouchement. Beaucoup d'aslith en mourraient !
— Ce sera en module médicalisé, sous anesthésie générale, lui appris-je, lui renvoyant son sourire hypocrite.
Mais il en fallait plus pour la décourager. Même si, je devais le reconnaître, sa remarque m'avait suffisamment mis le doute pour que je reste là, devant elle, à l'écouter déverser son venin.
— Les humaines ne sont pas faites pour mettre au monde nos petits. Et puis, pense un peu à ces bébés... les pauvres, naître ainsi dans une froide machine !
Je ravalai une remarque acide. Quelqu'un, personne, pour me tirer de cette conversation mal venue ? Non. Mana m'avait coincée au moment où je m'apprêtais à descendre à la soute pour retrouver Ren, dans un couloir désert. À croire qu'elle avait guetté là, dans le noir, pendant des heures. La connaissant, c'était tout à fait possible.
— Tu n'as pas des choses à faire sur ton cair, Mana ?
— Non. Silivren m'a demandé de tenir compagnie à cette Tanit... Mais je préfère te voir, toi. Je pense que tu as besoin des conseils d'une femelle qui a déjà porté la vie.
— Je suis suivie par Dea, déjà. Elle s'occupe très bien de moi.
— Dea n'est pas ældienne, et ce n'est qu'une machine, une chose inerte ! renchérit Mana en plissant ses quatre yeux rouges. Est-ce que Ren t'insémine bien tous les jours ? J'imagine qu'il te prend assise sur lui, comme les mâles le faisaient avec leurs aslith. Tu dois être bien élargie, maintenant. Te sers-tu des œufs que je t'ai offerts ?
Je fis la grimace. Mana m'avait offert ces horreurs — des boules de geisha ældiennes, grosses comme des ballons, à la texture écailleuse pour reproduire celle des organes mâles — pour bien me faire peur, à l'époque.
— Non, je ne les ai pas utilisés. J'ai trouvé ce cadeau insultant, tu vois. Un peu comme tes insinuations peu subtiles... Ren n'est pas un bourrin. Il fait ça doucement, à mon rythme. Et ça se passe très bien, merci.
— Pour l'instant. Attends de l'avoir vu au plus fort de ses fièvres... Est-ce qu'il t'a marquée ?
Le piège était gros : connaissant Mana, je me doutais qu'elle allait encore distiller son venin avec ses révélations finement choisies. Je pouvais choisir de refuser de l'écouter, de tourner les talons et de rejoindre mon compagnon, que je venais justement voir dans un but bien précis. Mais une fois de plus, je tombai dans sa toile.
— Comment ça ?
Un large sourire s'afficha sur le visage cruel de Mana.
— Les mâles marquent leurs femelles favorites — celles qu'ils fécondent — avec une morsure profonde. Cela arrive pendant la saillie, qui se fait toujours en lordose.
L'acidité mielleuse de son ton me provoqua un rictus incontrôlé.
— En lor quoi ?
— Tu ne connais pas ce mot ? miaula-t-elle. C'est du Commun, pourtant. C'est la position traditionnelle et habituelle pour l'accouplement entre ældiens.
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LA CHAIR ET LE MÉTAL (Ne me mords pas)
Science FictionLa proie : "On l'appelle Obscur, incarnation vivante des ténèbres. Un cœur plus noir que la nuit elle-même. Cœur ? Ce monstre n'en a pas." Le chasseur : "Je l'appelle Faël, celle à la blanche chevelure. La proie la plus appétissante que je n'ai eu s...