Les révélations sur Zrivian m'ont tellement choqué que j'ai arrêté d'aller à l'office. Si le SVGARD comptait me rendre ma foi perdue, c'est définitivement fichu. Comment adhérer à un dogme qui force ses adeptes à se transformer en machines pour échapper aux tentations de la chair, tout cela en utilisant le sperme d'un des leurs frères, qu'ils considèrent à moitié comme un animal, pour leurs opérations ? Comment croire à un dieu qui cautionne tout ça ?
Et comment lui peut-il accepter ça ?
Il n'avait peut-être pas le choix. Comme toi.
Après tout, j'ai bien accepté la décision du Conseil. Baissé la tête quand les Patriarches ont annulé mes fiançailles avec Haroun. Parce que je me pensais malade, imparfaite. Inapte au mariage. Tout cela parce que je ne pouvais pas offrir à la famille de mon fiancé une descendance. Haroun, lui, a eu le courage de quitter la colonie. Moi, je suis restée, par lâcheté. Et j'ai courbé la tête, accepté la vie qu'on m'offrait. Une autre mission, un autre sacerdoce : celui de me dévouer à soigner les autres femmes, leurs époux et leurs enfants.
Dieu a un plan pour toi aussi, disait le Père Hatat. Toutes les femmes ne sont pas amenées à se réaliser par la Famille. Je l'avais cru, et je le croyais encore. L'amour, le couple et les enfants, très peu pour moi. Et pourtant... Je menais la vie d'un fantôme. Il n'avait suffi que le parfum de nuit dans la chevelure d'une créature venue du ciel, ses mots de miel murmurés à mon oreille pour que je m'en rende compte. Et le sourire solaire, la lumière infinie dans les yeux de Gerald Zrivian pour me faire réaliser que j'étais passée à côté de ma vie.
Plus jamais on n'allait me faire baisser la tête devant un dieu sombre et muet. Plus jamais.
*
— Les Livres Interdits, demandé-je au Frère Archiviste. C'est l'Agent Zrivian qui m'envoie.
Markys a une bonne tête, pour un agent du SVGARD. Pas aussi belle que Gerald, mais au moins, il ne fait pas peur. Il parait intégré physiquement à cette bibliothèque, uniquement composé de lumières clignotantes. Des millions de serveurs, tous stockés là. Le hardware du Crypterium.
— Frère Gerald ? demande l'Archiviste en levant l'un de ses minces sourcils. Il est en stase, en ce moment...
Oui. Endormi, pendant que vous lui ponctionnez son sperme. Le « don de vie », comme vous l'appelez. Quel euphémisme, pour un homme condamné à ne jamais la donner...
— Oui, je sais. C'est pour cela qu'il m'a demandé ça. Pour ne pas perdre de temps.
— Ces ouvrages sont anciens. Et très dangereux. Il vous l'a dit, ça aussi ?
Je hoche la tête.
— Certains sont devenus fous après les avoir consultés. Des hommes irréprochables, en grand état de sainteté...
— Je ne suis pas religieuse. Ni même croyante. Je pense que je cours moins de risques.
L'Archiviste me scrute attentivement. Il doit se demander pourquoi c'était moi, que Gerald envoie. Moi, et pas une novice comme Yolen, par exemple, qui du reste n'a sans doute pas le droit de mentionner ces livres.
— Je suis l'unique survivante d'un massacre perpétué par des pirates dorśari, avoué-je alors. Ils ont anéanti toute ma colonie... et ils ont emmené ma sœur. C'est pour la retrouver que j'ai survécu, uniquement pour la retrouver. Mais ils l'ont emmené chez eux, à Dorśa. Et Gerald... (Je me reprends.) L'agent Zrivian prétend que les coordonnées de ce lieu se trouvent dans l'un de ces livres.
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LA CHAIR ET LE MÉTAL (Ne me mords pas)
Ficção CientíficaLa proie : "On l'appelle Obscur, incarnation vivante des ténèbres. Un cœur plus noir que la nuit elle-même. Cœur ? Ce monstre n'en a pas." Le chasseur : "Je l'appelle Faël, celle à la blanche chevelure. La proie la plus appétissante que je n'ai eu s...