Part 3 Chp 22 - Tamyan : l'évidence

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Station de la Nouvelle Arkonna, système de Solaris


C'est le parfum de Faël qui me fait ouvrir les yeux.

Elle est là.

Je sors du conduit d'aération, avec prudence et concentration. Bizarrement, Horvat n'a pas parlé. J'ai passé la première nuit à regretter de l'avoir laissé en vie, avec mon ventre qui criait famine et la certitude que les humains allaient retourner la station pour me retrouver. Mais il ne s'est rien passé. J'ai pu rester en planque à l'astroport, dans l'attente que Silivren, le sidhe de légende promu général des armées ældiennes unifiées, accoste.

Trois jours et trois nuits déjà. C'est long. Encore plus long lorsqu'on ne se nourrit que de rongeurs. Je pense à Rizhen et Tymyr, qui m'attendent là-haut sans se douter que leur ard-æl bouffe des rats, caché dans un égout.

Tu es tombé bien bas, Tamyan Niśven. Mon oncle exulterait, s'il me voyait.

Mais cette odeur... sans doute possible, c'est celle de Faël. Ce pourrait-il qu'Amariggan l'ai remise en travers de mon chemin ? Pas impossible. J'ai vu ces humains se réunir sur une grande esplanade pour chercher leurs disparus : elle pourrait être là pour la même chose. En voyant le nom de Dasma apparaitre sur la liste, je me suis senti légèrement coupable. Je n'ai même pas fait exprès de la tuer. J'ai juste été incapable de m'arrêter. Le sang me fait cet effet, parfois... Je pensais que je contrôlais, mais ce n'était évidemment pas le cas.

Assez déprimé. Faël est dans le coin. Au pire, tu lui chanteras cette petite chanson triste en face, quand tu la verras.

Je saute de la bouche d'aération, atterrissant au sol. En fait, je ne sais pas ce que je vais lui dire, ce qu'il se passera quand je serais en face d'elle. Mon premier objectif, déjà, c'est de l'éloigner du perædhel. J'ai senti une légère odeur ældienne dans les parages, une déplaisante odeur de jeune mâle. Ça doit être lui. Mais que faire, une fois que je l'aurais tué ?

De nouveau, le parfum frappe mes narines sensibles.

Elle est là. Je le sais. Je suis la piste et, surmontant mon dégoût de la foule grouillante des adannath puant le silicium, la sueur et la peur, débouche sur la coursive noire de monde de l'astroport.

Je relève la tête, les sens en alerte. La capuche dissimulant mon visage tombe. Mais les gens ne se préoccupent pas de moi.

Un bruit sourd manque de me faire exploser les tympans. Contrairement aux humains qui s'y complaisent, notre espèce a une très basse tolérance au bruit. Immédiatement, je relève la tête vers l'espace, comme tous ces gens autour de moi. Je plisse les yeux, les pupilles fixées sur le bâtiment pulvérisé à l'instant.

Même à cette distance, je suis capable d'identifier le glyphe d'Æriban sur un débris.

Oh, Père Vénéré. Ils l'ont...

— Ils viennent d'abattre un navire ældien ! confirment les cris autour de moi.

Ar-waën Elaig Silivren. C'est son cair.

— Un navire ældien ? Ici, à Arkonna ?

Une scène de chaos s'ensuit. Je reste au milieu, complètement statufié. Comme tous les Nisven, j'ai tourné le dos à Ælda et ses institutions, Æriban y compris. Je les ai méprisés, moqués, souvent avec un soupçon d'envie et de regret. Mais je ne me doutais pas que voir l'un des rares cír de l'âge d'or de notre civilisation se faire abattre en plein ciel comme un vulgaire pigeon me ferait autant de mal.

LA CHAIR ET LE MÉTAL (Ne me mords pas)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant