Station orbitale de Cadus UFA
Système de Monoe
J'ai attendu toute la nuit dans l'angoisse. Mais au matin, au moment du rendez-vous, on m'a informé que l'Inquisiteur ne pouvait pas me recevoir, qu'il était « occupé » et qu'il reportait le rendez-vous au lendemain.
Le lendemain... même chose. Ainsi que le surlendemain.
Je compris qu'il le faisait exprès. Une forme de torture psychologique. Il cherche à me déstabiliser.
Et en attendant, je suis assignée à résidence, ainsi que je le constate en demandant à quitter la colonie pour m'embarquer sur un cargo en partance pour la Bordure Extérieure.
— Je suis désolé, m'informe Larg sur l'intercom. Tant que la procédure inquisitoriale est en cours, tu ne peux pas quitter la colonie... Ordre du SVGARD.
Je ne peux que prendre mon mal en patience. Et attendre, encore.
Toutes les nuits, je rêve de Tamyan. Ou plutôt, je vois le monde à travers ses yeux. Je vois la Cité Noire. Les wyrms qui tournoient autour des hautes tours, les crêtes acérées des glaciers. Je vois un palais cyclopéen, d'immenses colonnes anthracite, une grande salle circulaire au sol en damier, où chaque arcade est ornée d'un brasero où flambe un feu bleu. Le sol est recouvert de cendres, les colonnes gelées. Les vitraux, situés à des hauteurs impossibles, sont tous brisés. Des corps gisent au sol, des cadavres sont suspendus et empalés, réduits à l'état de momies. Il y a un trône sombre et titanesque, sur lequel est assis une silhouette sinistre en armure, recouverte d'un manteau à capuche aux manches en lambeau. Ce personnage porte une grande épée en argent entre ses genoux, ses deux mains gantées de métal posées dessus. Dans son dos, deux immenses ailes noires. Je me réveille toujours au moment où il se lève, et fixe son visage de néant vers moi.
Ce rêve me glace.
Quand je suis éveillée, il m'arrive de perdre un peu conscience et de me mettre à voir l'intérieur d'un vaisseau peuplé d'ylfes, avec leurs armures sombres et acérées et leurs visages cruels. Ces visions sont pires encore que celles du Roi Noir dans sa tour. Je sens qu'elles reflétent la réalité, une réalité qui a lieu très loin de moi, mais en parallèle à la mienne. J'ai peur que l'un de ces ylfes s'aperçoive de ma présence insidieuse. Mais je me rappelle que je suis dans le corps de Tamyan, et je vois ses grandes mains pâles apparaître dans mon champ de vision. Ce matin, en passant devant le miroir de la petite cabine où je suis assignée, j'ai saisi son reflet, fugitivement. En voyant son profil racé, sa longue chevelure noire qui cachait son visage si amaigri, j'ai eu mal à en perdre le souffle. J'ai peur de le revoir. Et le plus terrible, c'est que tout en le redoutant, j'ai l'impression d'en ressentir le besoin.
Tamyan. Où est-il, maintenant ?
La lueur bleue de l'intercom se rallume.
— L'Inquisiteur est prêt à vous recevoir, m'annonce Safi. Sur le champ.
Zrivian. Tel un fin limier, il a juste attendu le bon moment. Celui où je serais la plus faible, la plus facile à cueillir.
Il savait ce que j'endurais.
Comment ?
*
— J'imagine que vous avez eu amplement le temps de réfléchir, m'annonce l'Inquisiteur en entrant dans la salle d'interrogatoire.
Je suis presque contente d'y être revenue. Je veux avancer. Bouger d'ici. Alors, je redresse la tête et fixe l'homme qui détient la clé de ma liberté.
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LA CHAIR ET LE MÉTAL (Ne me mords pas)
Science-FictionLa proie : "On l'appelle Obscur, incarnation vivante des ténèbres. Un cœur plus noir que la nuit elle-même. Cœur ? Ce monstre n'en a pas." Le chasseur : "Je l'appelle Faël, celle à la blanche chevelure. La proie la plus appétissante que je n'ai eu s...