Part 2 Chp 5 - Faith : sauvetage

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Station orbitale de Cadus UFA

Système de Monoe

J'ai rêvé que je volais. Très haut dans le ciel. Le monde était tout petit. Je voyais le désert. Je me suis perchée sur un rocher, et j'ai laissé mes plumes se chauffer au soleil. J'étais bien. Une créature velue et hirsute, un genre de singe, s'est approché craintivement. Elle a déposé un morceau de viande cru au sol, pour moi. Un produit de sa chasse. Puis elle s'est éloignée en reculant. Je pouvais sentir sa peur, l'odeur riche et suave de son sang. Sa déférence et son admiration. Pour ma forme parfaite, imberbe, mes muscles lisses, ma silhouette de titan. J'ai hésité. La manger, elle, ou plutôt ce maigre cadeau qu'elle m'avait fait ? Ces gens n'ont rien pour subsister. Ce sont de piètres chasseurs, comparés aux autres créatures du Jardin. Parce qu'elle m'a donné cette viande au lieu de la garder pour elle et sa famille, un vieux, dans sa tribu, va mourir. Mais c'est ainsi que Mannu les a voulus. Soumis. Fragiles. Friables. Mortels.

Je ressens une forme de pitié pour eux.

Puis des voix me parviennent par-delà les rives du sommeil. Je ne vole plus. Et retourne dans mon corps, le mien. Celui qui est douloureux, qui a froid. Celui qui est marqué, tordu, torturé.

— T'es sûr que c'était là ?

— La signature biothermique ne ment pas. Il y a un être humain ici.

— Ouais. On a capté un signal. Une balise de détresse.

— Mais y a rien, ici...

— C'est ce que dit le navigateur, pourtant.

Je repars dans ces cieux azur, avec le blanc implacable du soleil. J'ai pris la viande, épargné le singe. Je dois le surveiller sans jamais intervenir. Parfois, je me lèche les babines en le voyant suer, et de drôles de pensées m'assaillent lorsque je le vois prendre sa femelle. Elles mettent bas des petits gluants, roses et vagissants. Je pourrais en croquer un, en éprouver le goût. Mais je n'en ai pas le droit. Juste regarder. Ils ne sont pas notre nourriture. Nous ne sommes pas autorisés à en prélever. Pas encore. J'espère que cela va venir vite. Aujourd'hui, lors de ma surveillance, j'ai vu le singe poursuivi par un prédateur. Une autre Création, qu'on ne m'a pas demandé de surveiller. Alors, pour la viande qu'il m'a laissée, je suis intervenu. J'ai tué le prédateur.

Pourquoi je rêve de ça ?

— Elle a ouvert les yeux !

— C'est incroyable, elle parvient à respirer sans aide artificielle...

— C'est possible quelques heures, oui. Pour moi, le plus dingue, c'est qu'elle ne soit pas en état d'hypothermie. Donne-moi la capsule de sauvetage.

— T'as vu ses cheveux blancs ? Ils lui arrivent jusqu'aux chevilles !

Je sens qu'on me soulève. Je tente de me défendre, bondit sur mes pieds, feule. Je voudrais sortir mes griffes, m'envoler, comme dans mes rêves. Mais je ne le peux pas.

— Quelle tigresse ! Faudra peut-être l'endormir.

Les hommes reculent. Ils sont protégés par des combinaisons. Derrière eux, je peux voir un espèce de cercueil transparent.

Alyz.

Hors de question qu'on m'enferme là-dedans. Je recule plus au fond de la caverne, me pelotonne.

— On est là pour vous sauver, madame !

— Tu crois qu'elle comprend ce qu'on lui dit ?

— Je sais pas. Mieux vaut être prudent.

LA CHAIR ET LE MÉTAL (Ne me mords pas)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant