Base militaire de la Nouvelle Arkonna, système de Solaris
— Tu as bien grandi, Tamyan, fils d'Uhran. Mon cher neveu.
Je relève les yeux sur lui. C'est la première fois qu'Aran me convoque. La dernière fois que je l'ai vu, j'étais encore un hënnel. Il me toise, immense et redoutable dans son armure noire et acérée, sa masse de guerre, symbole de son pouvoir, posée entre ses genoux. À travers la visière de son heaume, je distingue la lueur rougeâtre de ses yeux cruels.
— Je ne pensais pas que tu irais aussi loin. Mais le sang de ton père est fort. Celui de la lignée Niśven, qui jamais, ne ploie le genou.
Les longues serres du tyran caressent doucement l'un des têtes de Wuraith, son wyrm gigantesque, lequel dort dans la fosse à ses pieds. Le monstre ouvre un œil doucement, faisceau de lumière rouge entre les paupières noires. Puis il le referme.
— Allez quérir Dame Nascara, ordonne alors Aran. Qu'elle constate à quel point son fils est devenu un bel ellon.
Ma mère. Elle est donc encore en vie... Lorsque j'entends son pas familier résonner sur les dalles, mon cœur bondit d'espoir.
Tout n'est pas perdu.
— Regarde bien-aimée, joyau noir de mes concubines, annonce Aran, qui s'est levé de son trône pour l'accueillir. Ton fils. N'est-il pas le portrait craché de mon défunt cousin ?
Mère pose sa main délicate dans le gantelet hérissé du meurtrier de mon père. Celui qu'il a assassiné. À qui il a volé l'amour de sa vie.
Je cherche à verrouiller mon regard sur celui de ma mère. Cela fait tellement de temps que je ne l'ai pas vue... une éternité. Mais elle détourne le visage.
Elle ne veut pas me regarder.
Aran saisit son menton délicat entre ses doigts bardés d'iridium, la forçant à me faire face.
— Regarde-le, chuinte-t-il, menaçant. Dis-moi ce que tu vois.
Lentement, ma mère glisse ses yeux obsidienne sur moi. Je la vois battre des cils, et lutter pour empêcher sa bouche de trembler.
— Je vois... Uhran.
— Et à qui Uhran ressemblait tant ?
— À toi, Ô Ultime Incarnation des Ténèbres.
Aran la relâche. Elle détourne aussitôt la tête, mais ses yeux reviennent sur moi, une seule fois.
— Amenez-moi le plastron du traitre, lâche Aran nonchalamment.
L'armure de mon père. Celle dans laquelle il l'a fait brûler vif... Il n'est resté que ce plastron en pure mithrine, complètement noirci par le feudragon. Mais je distingue encore le motif des vagues, censées représenter les brumes de l'Autremer, celles qui nous cachent Tyrn-ann-nagh.
— Gûsharatulu, murmure-t-il, la main sur la huitième tête de son wyrm, qui s'élève au-dessus du trône comme un serpent. Brûle !
Une chaleur et une lumière intense illuminent la salle, me forçant à fermer les yeux. Lorsque je les rouvre, je constate que le plastron martelé irradie de rouge.
— Montre-moi comme tu aimais ton père, m'ordonne froidement mon oncle.
Je relève le regard sur lui, incrédule. Je sais que mon père était un usurpateur qui a tenté de le renverser, et qu'il a dû exécuter : d'ailleurs, je m'en souviens comme si c'était hier. Mais de là à penser qu'Aran s'en prendrait personnellement à moi... n'ai-je pas suffisamment payé ?
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LA CHAIR ET LE MÉTAL (Ne me mords pas)
Bilim KurguLa proie : "On l'appelle Obscur, incarnation vivante des ténèbres. Un cœur plus noir que la nuit elle-même. Cœur ? Ce monstre n'en a pas." Le chasseur : "Je l'appelle Faël, celle à la blanche chevelure. La proie la plus appétissante que je n'ai eu s...