Part 2 Chp 18 - Tamyan : ce qui nous tue

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Urdaban, sixième Cour d'Ombre

Autremer


Ilvar n'a pas lancé des paroles en l'air. Sitôt après notre banquet de victoire, il nous amène voir son vaisseau, entreposé dans un vaste cimetière à ciel ouvert, parmi les armures brisées et les carcasses pourries. On dirait un champ de bataille antique pillé par des charognards, où tout le matériel encore en état a été avalé par le sable. Ça n'augure rien de bon pour la suite... Mais Rizhen a l'air enthousiaste, marchant d'un pas confiant derrière l'orc qui pérore à qui mieux mieux. Je l'entends néanmoins jurer lorsqu'il écrase de sa botte le poitrail momifié d'un orcanide, dont le sourire crochu bée sous le soleil rouge et impitoyable d'Urdaban.

— Y a vraiment du bon matos à récupérer, ici, vous pouvez me croire ! nous assure Ilvar.

Je lève un sourcil dubitatif.

— Qu'est-ce que c'est, au juste ? Le charnier communal ?

— C'est là qu'on entrepose tout ce qui a été pris à ceux dont l'entrée a été refusée par les Deux Dames aux Yeux de Feu, répond Ilvar en se retournant. Les restes sont partagés entre maître des arènes... mais ce terrain me sert aussi à larguer les cadavres des perdants non réclamés que mes bêtes veulent pas bouffer, et à entreposer mes gains au jeu ou au combat. Il est privé, en tout cas. Ainsi que tout ce qui s'y trouve.

— Mmh.

J'attrape le regard doré de Rizhen. Cet orc a presque failli nous révéler que tout le monde pouvait se servir.

Alors que je m'efforce de ne pas marcher sur un pieu noirci par les miasmes ou un crâne rongé par les vers, il s'arrête devant un croiseur de chasse pachydermique, couvert d'éclats de missiles.

Pas de bouclier, donc.

Le contraire m'aurait étonné.

— L'voilà, annonce-t-il comme s'il nous présentait le trésor caché des sluagh. C'croiseur, je l'ai gagné lors d'un combat contre un orc-lige de l'ard-æl Krorgo. Vous l'connaissez ?

— Jamais entendu parler, murmuré-je en secouant la tête, hypnotisé par l'épaisseur de la rouille sur la carlingue.

Rizhen a déjà collé son shynawil sur son nez : cet astronef pue le fer non traité.

— C'était l'ard-æl de la guilde de chasse orcneas la plus redoutée en ce moment, se vante Ilvar. S'est fait remplacer par son second, Brack'thal... un peu comme toi, non ?

Je lui jette un œil oblique. Il s'arrête de rire et donne un gros coup de poing sur la ferraille.

— Ce vaisseau est à vous. Ilvar n'a qu'une parole ! En échange, je veux 20% de vos prises, quand vous aurez repris le commerce. Ça me paraît honnête... non ?

J'échange un nouveau regard avec Rizhen. C'est de l'extorsion pure et simple. Mais ai-je le choix ?

Ilvar me scrute attentivement. Je note qu'il a sorti une coupe en or de son shynawil. Ce misérable avait tout prévu.

— Alors ?

Je jette une œillade circonspecte sur l'objet de la transaction. Il est pourri, certes... mais c'est mieux que rien.

— C'est d'accord, finis-je par lâcher.

— J'veux un serment, exige-t-il en plissant ses yeux torves. À l'ancienne.

LA CHAIR ET LE MÉTAL (Ne me mords pas)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant