Ce fut une grande journée pour tout le monde. J'avais donné naissance à ma première portée. Quant à Angraema, elle avait tué son premier ennemi, fait sa première configuration, et même appris à pleurer, ce qui était une première, pour une ældienne ! Enfin, son père avait accepté de la prendre comme apprentie. Pendant le banquet de victoire qui fêta ces réjouissances, le soir suivant, elle arborait fièrement les deux entailles fraîches et bien cautérisées qui ornaient ses joues rondes, preuves indiscutables de son nouveau statut.
— Non, ça ne fait pas mal, pérora-t-elle en réponse à la question d'une de ses sœurs. Moins que l'étranglement d'un orcanide, en tout cas !
— Sauf que tu vas faire peur à tous les mâles, maintenant, l'asticota Ardamirë. Est-ce que tu vas vraiment devoir te raser la moitié du crâne comme un apprenti sidhe ?
Círdan, assis non loin, releva le visage de son assiette à cette évocation, regardant la jeune ældienne d'un air préoccupé.
— Évidemment, répondit Angraema en fourrant un morceau de viande dans sa bouche. Ces porcs d'orcanides y réfléchiront à deux fois avant de me menacer de leur affreux dun-dun !
Angraema, qui raconta son combat contre Brack'thal en long et en large ce soir-là, me vola clairement la vedette. Seule Tanit eut l'air de s'intéresser à mon accouchement, que, du reste, je n'avais pas trop envie de raconter. Dea m'avait rafistolée et donné une bonne dose d'antalgiques dès mon arrivée sur le pont, mais j'étais encore un peu souffreteuse, et rester assise ne me faisait pas du bien.
— Comment allez-vous appeler les petits ? me demanda-t-elle.
— Ninim, Celin et Caëlurín, croassai-je, la diction rendue hasardeuse par la dose de cheval que m'avait administrée Dea.
— Oh ! C'est vraiment très joli, me congratula Tanit.
Une procession d'eyslyns vinrent alors apporter un plateau argenté, que Ren saisit et posa sur la table.
— Qu'est-ce que c'est ? demandai-je en regardant l'espèce de carpaccio rouge et violet parsemé de fleurs que Ren s'apprêtait à consommer.
— Ton placenta, me répondit-il. Tu en veux ?
Par réflexe, je me mis la main sur la bouche. Vomir aurait été du plus mauvais goût à ce banquet. Ren se rendit compte de ma réaction, et il posa rapidement son assiette sur le plat, avant de me regarder, étonné.
— Vous ne consommez pas le shynawil de la portée après une naissance ?
Je secouai la tête en signe de négation. Le shynawil de la portée ! C'est ainsi que les ældiens appelaient ça !
— Mais alors, qui le mange ? Le bébé ?
— On le jette, répondis-je rapidement.
Ren écarquilla les yeux.
— Vous le jetez ? Quel gaspillage ! C'est plein de nutriments. Et puis, c'est prestigieux. Seuls les parents ont le droit de le manger, et c'est l'une des rares reconnaissances que l'on accorde au père, sur Ælda. Après une naissance, la mère fait envoyer au père une partie du ou des placentas : c'est comme ça qu'un mâle sait combien de portées il a engendré, et combien il y avait de petits dans la portée.
— Mange-le, alors, fis-je d'une voix que je voulais raffermie. Je ne veux pas te priver de ce privilège rare, Ren.
Ren continua de me regarder, un petit sourire contrarié sur les lèvres.
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LA CHAIR ET LE MÉTAL (Ne me mords pas)
Khoa học viễn tưởngLa proie : "On l'appelle Obscur, incarnation vivante des ténèbres. Un cœur plus noir que la nuit elle-même. Cœur ? Ce monstre n'en a pas." Le chasseur : "Je l'appelle Faël, celle à la blanche chevelure. La proie la plus appétissante que je n'ai eu s...