Part 3 Chp 4 - Tamyan : zambatulugh

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Quelque part dans l'Autremer

Vaisseau de la guilde du Chemin Voilé

J'ai toujours eu du mal avec les filidhean. Comment faire confiance à une bande de tueurs et d'espions qui se déguisent en artistes de scène pour s'introduire partout et accomplir plus facilement leurs forfaits ? Dans la maison Niśven, nous sommes des guerriers, consacrés à la voie de la guerre. Si certains d'entre nous sont bons musiciens, cela reste un passe-temps souvent jugé inutile, et parce que dans l'idéal noble, un mâle doit avoir quelques « trucs » pour pouvoir charmer une femelle. Moi, j'ai toujours compté sur mon épée et la force de mon bras pour conquérir les dames.

Mais aujourd'hui, je dois, pour la première fois, avoir recours aux services de l'Aleanseelith. J'ai besoin d'eux pour retrouver Śimrod, le semi-orc qu'Yvarna pense être l'Aonaran.

La troupe d'Elshyn est, probablement, la seule troupe de bardes-tueurs encore en activité. Et le malheureux ne doit pas se produire beaucoup, ni décrocher de contrats. Vu le peu des nôtres qui restent, disséminés dans la Voie... Pourtant, il nous reçoit avec un certain faste. La chose qui me frappe tout de suite, c'est la profusion de petits. Je n'ai pas vu de hënnel depuis quoi, cinq siècles ? Plus, même. Cependant, le vaisseau des filidhean grouille de ces marmousets turbulents. L'un d'eux, en courant, heurte ma jambe, se cognant violemment à mon plastron neuf. À la Cour d'Ymmaril, si un serviteur ou un gosse m'avait fait ça, je lui aurais retourné le revers de mon poing ganté de fer dans sa petite gueule, y imprimant quatre jolis trous. Mais il est bien évidemment impossible de se livrer à la violence ici : ce serait bafouer l'hospitalité de nos hôtes. Et je dois avouer que je suis trop stupéfait pour me formaliser de ce manquement à l'étiquette.

— Des gosses... murmuré-je en fixant le morveux qui me fixe avec méfiance, ses grandes oreilles dépassant de sa crinière emmêlée. Ce n'est pas un perædhel... Vous avez des femelles, ici ?

Rizhen, lui aussi, est stupéfait. Manifestement, il n'était pas au courant. Ses « amis » lui ont caché le plus important.

Elshyn pose son regard bleu glace sur nous.

— La moitié de nos membres sont des femelles, en effet, dit-il avec une petite pointe de reluctance.

Un autre gamin débarque, visiblement rassuré par le manque de conséquences de la connerie de l'autre.

— T'es un ange ? demande-t-il en posant sa main salle sur la poignée de la dague de Rizhen, apparemment subjugué par la longue chevelure blonde de ce dernier.

Mon second fait souvent cet effet-là aux gens. Adoré des gosses et des animaux... des femelles, aussi.

Rizhen se dégage, gêné.

Oui, le chiard. Nous étions tous appelés ainsi, à une époque. Des anges. « Messagers », « Veilleurs », annihilateurs et créateurs de mondes, esclaves à tout faire... Même toi, avec tes cheveux mal peignés, ton nez croûteux et tes fesses sales, tu es la réincarnation d'un ange.

Mais un sifflement d'Elshyn les fait tous se disperser. Je me souviens alors que ces adorables petits sont de futurs tueurs, qui ont déjà débuté leur apprentissage. Aucun hënnel n'est vraiment innocent. Tous ont cette graine en eux, la soif de sang autant que de lumière.

— Suivez-moi, nous invite Elshyn en nous montrant le bout du couloir. Je vais vous présenter au reste de la troupe.

*

— Le prince Tamyan As-Vyr Niśven, me présente Elshyn avec un geste plutôt cavalier de la main. Et son second, qui est aussi mon frère de sang : Rizhen.

LA CHAIR ET LE MÉTAL (Ne me mords pas)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant