Zone d'influence de la porte d'Altaïs, système non cartographié
Je viens d'entendre Zrivian hurler. Un cri rauque et bref, alors qu'il était censé dormir.
Le rut. C'est ça, qui le torture.
Le silentium... soit il n'en a plus, soit cela ne fait pas assez effet.
J'hésite à y aller. C'est mon tour de quart, certes, mais il n'y a rien à surveiller. Que le noir de l'espace sidéral, un écran vide. Luvine est enfermée dans sa cabine, désamorcée pour un moment. On doit atteindre Altaïs dans quelques heures. Ensuite, on sera dans l'action. À Dorśa... j'essaie d'éviter d'imaginer. Vu le caractère de Tamyan et de ses ylfes, sans oublier ce qu'on m'en a raconté, ce coin de l'univers n'est sans doute pas un paradis tranquille.
Le neuvième niveau de l'enfer. C'est plutôt ça, oui.
Mais c'est peut-être la dernière opportunité pour moi de soigner Gerald, s'il est blessé ou malade.
Cesse de te mentir à toi-même. Tu sais parfaitement pourquoi il va mal. Zrivian n'est pas « blessé ou malade », il est en rut. Ce dont il a besoin, c'est de s'accoupler.
Mes joues me chauffent violemment. Je caresse mon ventre, qui est déjà en train de s'arrondir. En fait, je ne me suis toujours pas résolue à utiliser le sperme de Gerald. J'ai honte de le faire. Bientôt, ce sera trop tard : j'attendrai le point de non-retour, pour la survie des embryons. D'après le document que m'a montré Gerald, ils ne peuvent survivre plus de trente jours sans nouvelle apport de gamètes. Et c'est à peu près le temps qui s'est écoulé depuis que j'ai été... fécondée par ce salopard de Tamyan.
Tamyan. L'enfoiré... Est-ce qu'il est en rut, lui aussi, puisqu'il m'a engrossée ? Les mâles ældiens ont un petit programme, pour ça. Leur système limbique détecte la fécondation dès qu'elle a lieu, même si l'heureux « père », lui, n'est pas au courant. Maudit Tamyan, lui qui ne voulait pas de descendance, et qui a délaissé sa concubine qui désespérait d'en avoir. J'espère qu'il souffre le martyre. J'espère qu'il est mort, massacré par ses propres chasseurs. Puisque c'est si normal, dans sa culture, de planter un couteau dans le dos du chef pour le détrôner... puisqu'il n'y a que la puissance qui prime, et ce qu'on prend par la force. J'aimerais qu'il sache qu'il a enfin réussi à planter ses sales graines quelque part, mais que ses horribles enfants vont mourir. Rien que pour ça, je veux le retrouver. Mais je n'arrive pas à utiliser Gerald pour ça. Pas comme ça.
Je me lève. Il y a peut-être une autre solution. Une solution qui peut soulager ce pauvre Gerald, qui, depuis le début, m'apporte une telle aide, quitte à prendre des risques énormes.
*
— Gerald, ouvre-moi.
Il m'en faut du courage, pour dire ces mots.
Mais la porte s'ouvre. Derrière, Zrivian me regarde, un peu défiant, les mèches blondes de sa chevelure collées sur son front humide.
— Je voulais voir comment tu allais, lui annoncé-je, un peu honteuse.
— Comme tu le vois.
Il soupire et s'efface, me laissant entrer.
— Le navigateur annonce qu'on sera à destination dans six heures, lui dis-je pour meubler le silence.
— Je sais. Tu devrais dormir. Je vais prendre le quart.
Je secoue la tête.
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LA CHAIR ET LE MÉTAL (Ne me mords pas)
Science FictionLa proie : "On l'appelle Obscur, incarnation vivante des ténèbres. Un cœur plus noir que la nuit elle-même. Cœur ? Ce monstre n'en a pas." Le chasseur : "Je l'appelle Faël, celle à la blanche chevelure. La proie la plus appétissante que je n'ai eu s...