Elle est sa brûlure, il est sa rédemption.
Elyana est une jeune femme écorchée par le deuil. Depuis que sa meilleure amie a été assassinée sous ses yeux, elle n'a de cesse de traquer les meurtriers. Devenue l'incarnation de la vengeance, elle ne rec...
En la suivant jusqu'à cette habitation délabrée qui m'appartient depuis peu, je ne m'attendais pas à vivre un moment si intense. J'ai acheté cet endroit lorsque j'ai découvert que la mort de ce dealeur sans importance possédait en réalité une dimension bien plus intéressante. Cet homme avait été sa première victime. Quand j'ai débarqué aux États-Unis pour remonter le fil de l'enquête, je ne me prévoyais pas de deviner aussi facilement qui était la personne responsable de mon chagrin. Après tout, je n'avais que son nom, et un semblant de piste sur son lien avec les autres. Néanmoins, Elyana White est tout sauf prudente dans sa vengeance, elle laisse des indices, tel le petit poucet et ses cailloux. Elle s'imagine être calée dans l'exercice du meurtre alors que seule la colère la guide. Comme moi. Pour cela, nous nous ressemblons, un peu. Et même si elle mérite de mourir à son tour pour les atrocités qu'elle a engendrées, je salue ce courage dont elle paraît être pourvue. Torturer des êtres humains, ce n'est pas n'importe quel badaud qui en serait capable. Il faut une sacrée motivation, et beaucoup de folie pour en arriver à de telles extrémités. En l'occurrence, vu la finalité de mon plan, je ne peux pas dire que mon état mental soit plus évolué. Elle a plongé ma famille dans la tourmente, elle doit payer, et si je dois lui ôter la vie, je n'hésiterai pas. Encore dois-je en avoir le courage.
Ce soir, lorsque je l'ai vue sortir de son appartement aussi tard, je l'ai traquée. Ce n'est pas dans ses habitudes de gambader dans la rue à cette heure. Normalement, elle devrait déjà être en tenue de nuit, face à la télé, à grignoter des friandises. C'est que je distingue à chaque crépuscule depuis mon poste d'observation, de l'autre côté de la route. D'ailleurs, j'ai constaté qu'elle avait tendance à passer plus souvent devant la baie vitrée depuis quelque temps, comme si elle avait conscience de ma présence. Et au lieu d'être apeurée, ou de tirer les rideaux, elle nourrit mon obsession.
Et moi, j'en profite d'autant plus.
Alors, la suivre en pleine balade nocturne, j'étais intrigué.
Je me suis calqué sur sa démarche pour qu'elle ne me repère pas, et j'ai pris le même métro, curieux de découvrir sa destination.
Quand j'ai saisi qu'elle se dirigeait vers Oak House, j'ai fait le tour du terrain puis je me suis glissé dans l'habitation par la porte de cuisine disloquée. J'étais décidé à mettre un terme à toute cette mascarade.
J'en ai été incapable.
J'avais littéralement sa vie entre mes mains. Il me suffisait d'attendre quelques secondes de plus, et le calvaire aurait pris fin.
J'ai échoué.
Je n'ai pas réussi à lui ôter ce dernier souffle, et c'est uniquement sa faute.
Elle désirait mourir. Je l'imaginais se battre pour sa vie, paniquer, et peut-être même aurais-je voulu voir de la pitié dans ses yeux, seulement rien de tout cela n'est arrivé. Sa réaction m'a totalement déstabilisé. Dans ses prunelles, j'y ai décelé un sentiment d'abandon absolu, comme si elle était soulagée de partir loin d'ici.
La sensation m'a percuté si violemment que j'avais l'impression que c'était moi qui étais en train d'étouffer. Pendant un instant, nos douleurs se sont unies, et son âme a fait écho à la mienne ; c'était puissant.
Peut-être suis-je un lâche, après tout ? J'avais enfin l'objet de ma vengeance sous mon joug et je l'ai laissé filer. Je l'ai regardée s'éloigner de la maison, sans agir. Malgré la distance entre nous, je sentais encore la chaleur de son cou sur mes doigts. Je m'en abreuvais.
Installé sur le sofa de ma chambre d'hôtel, repenser à ce moment ne m'aide pas à conserver mon calme. Je ferme les yeux en prenant une grande inspiration pour tenter de m'apaiser, toutefois c'est son odeur que j'inhale de plein fouet dans les narines. Ce parfum fleuri qui me tord les entrailles.
Qu'est-ce qu'il m'arrive, bon sang ?
Depuis le métro, j'ai l'impression que mon corps ne m'obéit plus, qu'il régit mes actes quand je suis auprès d'elle. Et je me sens déchiré, entre la haine et le désir qui se livrent une bataille sans merci en moi, sans savoir qui sera le vainqueur.
Sa peau était si chaude...
Je dois arrêter ça !
Ce n'est pas Elyana White qui gagnera, je vous le certifie.
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