FIGHT AND FORGIVENESS

CHAPITRE 35

Elyana

Des mensonges, voilà ce qu'il reste de nous. Finalement, y a-t-il eu un nous un jour, ou est-ce moi qui n'ai pas su analyser les signes ? La fièvre de la fureur coule en moi, contaminant la moindre parcelle d'humanité qui me restait encore. J'enrage tellement que chaque muscle crispé m'apporte un élan de douleur.

Une souffrance qui me torpille le ventre.

Il n'est qu'à quelques mètres de moi, or j'ai la sensation qu'il y a un gouffre entre nous, non, c'est un monde entier qui nous sépare. J'aimerais rugir toute ma haine à ce traître, pourtant aucun son ne sort de ma bouche. Les mots restent collés à ma langue. À défaut de pouvoir m'exprimer avec ma voix, je soulève ma main qui serre toujours le cadre et le balance violemment sur lui. Il l'esquive de justesse, d'un mouvement sec vers la droite.

Le démon pivote pour observer ce qu'il a évité, puis il se retourne vers moi, les traits tirés.

— T'es complètement folle, ma parole !

Je ne l'écoute pas, je ne veux plus entendre ce qu'il a à dire. Plus jamais. Je récupère une coupe de sport quelconque et la jette contre le mur à deux pas de lui. Le bruit de l'impact résonne dans toute la chambre. Mon corps passe en pilote automatique, incapable de raisonner, je me laisse noyée par la peine. Je continue de le bombarder avec tout ce que je trouve, même les vêtements, l'intégralité des cartons se vident à une telle vitesse, que je n'ai bientôt plus de munitions.

— Arrête ! m'ordonne-t-il, les bras devant lui, comme pour se protéger de mon dernier projectile, qui s'avère être le carton lui-même.

Il s'approche de moi, prudemment, en contradiction avec son irritation que je ressens jusqu'ici et sur chaque pore de ma peau. Les mains désormais libres, et sans objet à ma portée, je m'effondre sur le sol.

Les genoux contre le parquet poussiéreux, les larmes commencent à dévaler mes joues.

Je pleure.

De fureur, de tristesse, et d'injustice.

Soudain, un long cri enragé sort de ma poitrine, si puissant qu'il me vrille les oreilles. Le démon sursaute, surpris par la teneur du son.

Dans ce hurlement, je transmets tout ce que je ressens depuis deux ans ; la perte de mon amie, le chagrin, la frénésie de la vengeance, et surtout la disparition de l'innocente Elyana. Celle qui était heureuse, épanouie, et qui ne rêvait qu'au calme de son existence. J'expulse également le mal, ce monstre qui m'a poussé à me nourrir du malheur des autres, à apprécier le sang et la torture.

Lorsque ma voix se brise, ce sont les larmes qui prennent le relai. J'éclate en sanglots, là, devant Bastian. C'est la première fois que je craque depuis le décès d'Anna. La souffrance se déploie dans les moindres recoins de mon organisme, elle est si violente que j'ai l'impression que chaque organe est en train d'imploser.

J'ai mal, putain, tellement mal.

Le démon profite de mon état pour avancer vers moi et s'accroupir sans me toucher.

— Pourquoi ? m'interroge-t-il d'un ton cinglant.

Il me faut plusieurs secondes pour saisir la raison de sa question. Pourquoi ? Pourquoi s'en prendre à James ? C'est ce que je comprends, il ne souhaite pas m'aider, il désire juste m'enfoncer davantage.

Je plonge le regard dans ses prunelles glacées, et y distingue un savant mélange de pitié et de désespoir. Il a besoin d'être rassuré sur son frère, il ne va pas être déçu.

Il mérite de souffrir tout autant que moi.

— C'est une merde, comme les autres. Je regrette qu'il soit déjà mort et que je n'ai pas pu le tuer de mes propres mains, craché-je à son attention.