FIGHT AND FORGIVENESS

CHAPITRE 29

Bastian

Malgré les propos de Lyse sur son état plutôt maussade, je trouve qu'Elyana paraît plus en forme qu'à son arrivée. Même si la solitude semble lui peser, ses yeux reflètent un maelstrom d'émotions que je n'avais jamais aperçu jusqu'à maintenant. Un peu comme si elle se réveillait d'un long sommeil. Je suis incapable de déterminer la raison de ce brusque changement, mais je suis soulagé de la voir moins statique.

Elle ne peut pas me cacher que la mort de cet homme l'a perturbée, je commence à connaître son fonctionnement. Et sa crise de catatonie après l'accident était assez révélatrice. À croire qu'elle s'est préparée psychologiquement à assassiner des cibles précises. L'imprévu n'a pas sa place dans la vie d'Elyana White. Surtout quand celui-ci prend la forme d'un détective.

Des jours que je me concentre sur cette affaire, et mes efforts ont fini par payer. Grâce à quelques contacts aux États-Unis, j'ai réussi à obtenir l'information. La police a retrouvé le corps, elle mène l'enquête. Il se dénommait Harry Jones, divorcé, et deux enfants en garde partagée avec son ex-femme. Consultant pour l'Etat, il avait son propre cabinet d'investigation. Aujourd'hui, il n'aura plus jamais la chance de revoir ses chérubins. Et c'est notre faute. Je n'ose même pas avouer ma découverte à Elyana, terrifié par sa réaction.

C'est une question d'heures avant qu'ils ne contactent l'entreprise, après tout, Oak House est à mon nom. J'ai été idiot sur ce coup, j'aurais dû emprunter un pseudo, mais j'étais trop confiant, et obnubilé par Kitten.

Je le suis toujours.

Elle ignore que je continue de l'épier depuis les endroits sombres du manoir, reprenant mon rôle de voyeur. J'ai beau essayer de la fuir, mon corps me rappelle à elle comme une foutue litanie.

Une fois le moteur coupé, je descends du véhicule pour respirer l'air herbacé que dégage la bruyère. Le soleil est encore haut dans le ciel, mais des averses sont à prévoir dans la journée, alors je ne traîne pas et invite Elyana à me rejoindre.

Nous sommes à Rockferry, en plein cœur des landes. Ce lieu chargé de souvenirs est mon refuge. En la conduisant ici, j'espère lui transmettre le souffle vital dont elle a besoin en ce moment.

Nous venions souvent dans cet endroit pendant notre enfance, avec James. Nos parents aimaient beaucoup profiter d'un congé pour prendre un shoot de nature, loin de l'agitation de l'entreprise. Après leur décès, Angus a continué à nous amener.

— Allez, Bastian, cours ! Jamais tu me rattraperas ! crie James depuis le chemin boueux, devenu de la tourbe avec la pluie de ces dernières semaines.

— Fais gaffe à toi, l'avorton ! J'active ma vitesse supraluminique !

Mon frère rit de ma référence aux romans de science-fiction dont je me gorge, et que je m'empresse de lui raconter après lecture. Il adore m'écouter déblatérer sur les intrigues de héros transformés par un virus, ou des robots qui prennent le contrôle de la Terre.

Je m'apprête à courir pour le rejoindre lorsqu'un souffle de vent glacial déséquilibre James qui s'effondre de l'autre côté de la colline. Son corps disparaît de mon champ de vision.

Non !

Je me précipite vers lui, mes chaussures glissant dans la bourbe, je crois même que j'en égare une pendant ma course. Je sens à peine la chaussette devenir humide tellement je suis inquiet pour mon frère.

Il a sept ans, et la mort de nos parents l'a ébranlé même s'il n'en parle jamais. Maintenant, je suis responsable de lui, et je ne souhaite pas le perdre à cause d'une brise automnale. Il m'est trop précieux.