CHAPITRE 25

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Bastian

Que c'est agréable d'être enfin chez soi ! Ici, l'air est plus respirable, ce qui éclaircit mon moral malgré la situation plutôt exceptionnelle. Angus et sa femme Lyse nous accueillent chaleureusement, comme si je n'avais pas quitté la maison depuis des mois. Je suis heureux de les revoir après tout ce temps. Le couple d'intendants travaille pour les Mc Taylor depuis de nombreuses années, à vrai dire, ils nous ont vus grandir, James et moi. Après la mort de nos parents, ils ont été d'une véritable aide, ils ont soutenu mon grand-père dans notre éducation, devenant la figure parentale dont nous manquions cruellement.

La perte de nos parents a laissé un énorme vide dans notre famille. James était trop jeune pour vraiment prendre conscience de la difficulté du deuil, contrairement à moi qui étais en âge d'éprouver du chagrin. Je n'ai jamais autant pleuré que le soir où Grandpa' nous a annoncé leur disparition. Leur avion s'est écrasé en plein océan pacifique, provoquant la mort des cent douze passagers à bord. Aucun survivant. Un accident tragique qui a endeuillé beaucoup de familles. Je me souviens toujours des reportages à la télévision, les médias en ont parlé pendant des semaines avant de s'intéresser à un autre drame.

J'étais dévasté.

Nos parents étaient exceptionnels.

Notre mère avait l'habitude de nous raconter des légendes écossaises chaque soir avant de nous endormir. Parfois, je perçois encore le timbre doux de sa voix chantante. Quant à mon père, à la tête de l'entreprise en compagnie de Grandpa', il était à la fois ferme et attentionné. J'ai d'ailleurs hérité de son côté bourru, alors que James avait la délicatesse de mamaidh*.

Après leur mort, c'est donc notre grand-père qui, en plus d'affronter le décès de son fils, allait devoir s'occuper de deux enfants. Il était sur tous les fronts : la distillerie, notre apprentissage, et la gestion du domaine. J'ai toujours été admiratif de cet homme, c'est un roc qui a réussi à survivre malgré les circonstances désastreuses de sa vie. Jamais il n'a faibli face à l'adversité. Pourtant, il avait des raisons de s'effondrer. D'abord veuf à l'âge de 30 ans, il a perdu ensuite son fils unique et sa belle-fille brutalement, puis s'est retrouvé responsable de deux gosses traumatisés.

Mon grand-père est un héros, comparable à Fionn MacCumhaill**, le guerrier d'un mythe Irlando-Ecossais, qui a su ruser et vaincre un géant. À un détail près, mon grand-père n'a pas eu de soutien de sa femme, mais celui de Lyse et Angus.

Là où Grandpa' était intransigeant, voire parfois un peu rustre, Lyse était douce et calme. Je me souviens des délicieuses pâtisseries qu'elle nous préparait chaque dimanche. Des scones à la myrtille. J'en salive encore. Angus, lui, était toujours celui qui nous apportait des conseils, nous faisait réfléchir sur nos bêtises, ou à leur dangerosité. Malgré la disparition de nos parents, James et moi étions aimés, c'était le principal.

Dans le salon, Henry et moi sommes installés sur le divan, chacun un verre en main. Angus, devant la cheminée, me relate tout ce qu'il s'est passé depuis mon départ. Je n'en écoute que les grandes lignes, trop préoccupé par la présence d'Elyana entre ces murs. Lyse l'a prise sous son aile, certainement pour lui montrer sa chambre, je n'ai donc pas revu le chaton depuis notre arrivée.

— ... et donc les poules de jardin se sont alliées au gang des salamandres, elles se sont attribué la partie ouest de la forêt.

Quoi ?

Je relève la tête vers l'intendant.

— Vous n'écoutiez pas, Monsieur, soupire-t-il d'une voix presque paternelle.

Son regard empreint d'affection me culpabilise, je ne suis pas très attentif.

— Excusez-moi, Angus. Et arrêtez de m'appeler de cette manière, ce n'est pas nécessaire, vous le savez bien.

FIGHT AND FORGIVENESSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant