FIGHT AND FORGIVENESS

CHAPITRE 18

Bastian

Je réponds au téléphone dans un état second, encore trop ébranlé par le quasi-baiser. J'ai failli craquer, une énième fois. Je ne suis pas censé éprouver autre chose que du dégoût face à cette fille, alors pourquoi je n'arrive pas à faire entendre raison à mon organisme ? J'ai beau la détester, la voir investir ma suite comme si elle était chez elle, réveille un sentiment particulier en moi : la possessivité. Et lorsqu'elle m'a parlé de son agresseur, je me suis retenu pour ne pas exposer mon courroux sur ce type. Ma réaction aurait dû être l'indifférence vis-à-vis de sa confidence, pourtant je n'avais qu'une envie : poursuivre l'inconnu pour lui montrer qu'on ne touche pas à ce qui m'appartient.

On ne possède pas un être humain, Bas' !

J'en ai foutrement conscience que cet attachement excessif relève du mal-être qui me domine depuis la mort de James.

James Mc Taylor, mon frère de sang.

Mon petit frère, décédé dans la fleur de l'âge.

Si jeune, et innocent.

Néanmoins, je suis incapable de me libérer de l'emprise que cette femme exerce sur moi, et je crois que c'est réciproque si je me fie à sa visite impromptue.

Alors quand elle m'a parlé de cet inconnu, dans mon esprit, un chaos sans nom s'est réveillé. Il n'y a que moi qui aie le droit de lui faire du mal, de l'effrayer, de la briser. Et cette nouvelle exclusivité me dérange, j'ai l'impression d'être complètement à la ramasse dès que ça la concerne. Toutefois, je ne souhaite pas que mes plans soient anéantis par mes émotions.

Par moment, je m'imagine encore l'assassiner. Dans cette vision, j'admire son visage traversé par la terreur pendant que je lui ôte le dernier souffle de vie, et je m'en nourris, exalté.

Alors pourquoi suis-je incapable de mettre ce projet à exécution ? Pourquoi je ne cède pas à cette pulsion meurtrière comme lors de notre rencontre à Oak House ?

Sois honnête, Bastian, tu ne seras jamais en mesure de la supprimer, tout simplement parce que tu n'es pas un tueur.

C'est vrai. J'ai déjà vécu avec l'ombre de la mort au sein du manoir en la personnification de mon frère, j'en ai encore des frissons en repensant à son corps sans vie.

J'avais des espoirs en venant ici, mais en réalité, je ne suis pas aussi courageux que mon ennemie. Je n'arriverai pas terminer mon plan.

La police était la solution de repli, et même ça j'ai réussi à le bâcler. Parce que j'étais trop occupée à savourer ses baisers plutôt que d'enregistrer la rencontre.

Je secoue la tête pour tenter de me remettre les idées en place avant de répondre à l'appel.

— Oui ?

— Nous avons un problème.

L'inquiétude que je perçois à travers la voix de mon grand-père me surprend. Il a l'air alarmé, ce qui est assez rare chez lui. Depuis que j'ai repris l'entreprise familiale, il coule des jours heureux dans un de nos manoirs au milieu des Highlands. C'est donc étonnant qu'il m'appelle avec ce ton déterminé.

— Je ne sais pas ce que tu fabriques en Amérique, mais cela se répercute ici. Un étranger a contacté plusieurs fois ton assistante en posant des questions sur toi. Bien sûr, il n'a eu droit à aucune information, et miss Fraser* m'a immédiatement prévenu, car tu ne répondais pas à ton téléphone. Explique-moi ce qu'il se passe, fiston.

Il ne faut pas être un surdoué pour comprendre que cet homme est sûrement lié à la presque agression d'Elyana. Maintenant, je dois redoubler de vigilance et barrer la route de ce curieux avant qu'il vienne interférer dans mes affaires.