Une mélodie stridente pulse dans mes tympans, je grimace. Le réveil sonne depuis deux minutes, pourtant je n'ai pas envie de me lever. Sept heures, ce n'est pas une heure décente pour une grosse dormeuse comme moi.
Ma main s'acharne sur le maudit appareil, cherchant désespérément le bouton d'arrêt. Je pousse un soupir de soulagement lorsque le silence revient dans la chambre. Je resterais bien sous la couette encore quelques minutes, ou peut-être des années. Cachée sous les draps chauds, pour ne pas affronter un énième jour insignifiant. Même si le manque de motivation se fait sentir, je me force à sortir du lit.
Heureusement, mon métier ne demande que peu d'efforts cognitifs. J'ai déjà bien assez de choses à l'esprit, sans avoir besoin de réfléchir toute la journée pour un job inintéressant. Je suis assistante dans une multinationale. Une employée transparente, celle qui ne fait pas de vagues, celle que l'on oublie facilement. Parmi la masse grouillante des petites mains de la société, je passe inaperçue, et cela me convient. Parfois, je compare notre quotidien à une ruche, un modèle organisationnel ressemblant étrangement au nôtre. Une reine qui régit son royaume, et les ouvrières qui se confondent, se mélangent.
Bien sûr, j'apprécie mon métier, mais ce n'est pas une passion. Répondre aux courriers, prévoir les réunions de mes chefs, passer des appels téléphoniques... C'est ce qui résume mon activité professionnelle. En somme, un emploi à la fois posé et ennuyeux.
Comme chaque matin, j'enfile mes baskets et glisse ma paire d'escarpins dans mon sac. Depuis quelques années, je me surprends à aimer ce genre de souliers qui galbent mes jambes minuscules, j'évite juste de prendre le métro en talons. Si je dois me mettre à courir, je préfère la sécurité des chaussures plates, je n'ai pas confiance en mon équilibre. Surtout, j'aimerais esquiver l'accident, car je n'ai pas assez d'argent pour me payer des soins si jamais je me brise une cheville. Je jette un dernier coup d'œil à ma tenue grâce au miroir de l'entrée : jean noir, chemise d'un crème discret, et une veste en cuir de la même teinte que le pantalon. Un ensemble modeste qui me correspond parfaitement.
Je trottine jusqu'à la station de métro qui se trouve à quelques minutes de mon appartement. J'apprécie les transports en commun, j'ai tout le loisir d'observer les voyageurs et de déterminer leurs personnalités, selon leurs attitudes ou leurs expressions. Mon imagination frétille chaque matin. Cette masse d'inconnus me fascine. Ils se croisent chaque jour sans vraiment faire attention. Parmi eux, des mères, des étudiants, des rêveurs, des voleurs... Peu importe, en cet instant, nous sommes tous identiques en attendant l'arrivée du prochain métropolitain. Quelquefois, même, nous nous jaugeons en nous demandant ce que pense l'autre, dans une posture collective sans équivoque : dos droit et corps statique. D'autres, nous admirons les rails avant de river nos regards à un néant captivant.
Sur le quai, il y a toujours cette humidité persistante qui s'empare de mes narines. Une odeur âcre, presque suintante. Un parfum qui agresse mon nez. Je devrais être habituée puisque je me déplace quotidiennement en métro, pourtant, cet arôme me dégoûte, il me rappelle la pestilence de la mort. Une puissante désolation me prend aux tripes en un instant, et je me remémore certains de mes actes passés. Ceux que je tais lorsque je suis en plein jour, mais qui se révèlent à la nuit tombée. J'ai beau dissimuler cet alter ego bien profondément, parfois il revient sur le devant de la scène, et mon ventre se tord face au flot des souvenirs.
Le bruit sourd du train approchant me sort de mes pensées lugubres. Je souffle, et monte dans la rame. La main accrochée au poteau central, je lève les yeux au hasard vers le quai.
C'est là que je le remarque.
Un inconnu dégageant une aura sombre. Il se détache sans effort de la masse qui s'agglutine encore sur le bord. Grand, les épaules droites, il me coule un regard indéchiffrable. Je les dévisage longuement, lui et son corps. Il est habillé d'une chemise blanche et d'un pantalon à pinces noir. Sa chevelure brune est résolument bien coiffée malgré cette mèche rebelle qui retombe sur son front. La sonnerie se déclenche pour avertir les usagers de la fermeture imminente des portes, pourtant il ne s'éloigne pas d'un pouce. Il reste là, à me fixer. Nos yeux se croisent alors et je découvre une lueur calculatrice dans ses rétines, à l'image d'un prédateur prêt à sauter sur sa proie. Son regard bleuté pénétrant m'analyse, me scanne pour déceler en moi le pire de mes secrets. Malgré cette inquisition dérangeante, je suis incapable de détacher mes prunelles de l'inconnu. Il me toise en dépit de la séparation de la vitre, le visage fermé, impassible.
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FIGHT AND FORGIVENESS
RomanceElle est sa brûlure, il est sa rédemption. Elyana est une jeune femme écorchée par le deuil. Depuis que sa meilleure amie a été assassinée sous ses yeux, elle n'a de cesse de traquer les meurtriers. Devenue l'incarnation de la vengeance, elle ne rec...