CHAPITRE 24

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Elyana

J'ai tué un innocent.

J'ai condamné un homme pour sauver celui qui je déteste. J'imagine la déception immense qu'éprouverait ma meilleure amie si elle était encore avec moi.

J'ai beau être physiquement dans cet avion, mon esprit est toujours au bord de la piscine ; coincé dans une boucle infinie. Je revis sans cesse la scène, ce corps qui chute, ce sang qui s'échappe de son crâne, et la main qui se glisse dans la mienne.

Bastian.

Entre dégoût et soulagement de le savoir vivant, j'erre entre les deux, sous le choc de mon geste funeste. Lorsque j'ai saisi l'intention du flic – ou peu importe son statut –, mon instinct s'est réveillé, et c'est lui qui m'a poussé à agir contre ma conscience.

En me remémorant ce récent souvenir, le corps de l'inconnu se juxtapose à celui de Sin, puis de Rory. Les visions se mélangent, et aboutissent à un amas de sang et de cris. Je finis par ne plus vraiment distinguer les images, qui surviennent par flashs. Je suis au bord de la saturation émotionnelle.

Je repose la tête en arrière sur le siège de l'avion avant de ressentir sa présence à mes côtés. Il vient de s'installer, et je sens ses iris sur moi. Pourtant je refuse de me retourner vers lui, je suis à fleur de peau, anxieuse, et bien trop secouée pour le confronter.

De toute façon, si je suis dans cet engin volant, à m'éloigner de ma patrie de naissance, c'est de sa faute. Si Monsieur n'avait pas débarqué avec ses gros sabots dans ma vie, j'aurais sûrement terminé ma vengeance.

D'ailleurs, où allons-nous ? L'Écosse peut-être ?

Les yeux fermés, j'essaye de résumer la situation. Mon plan initial était assez simple : les faire payer pour le meurtre d'Anna. Or, j'ai même réussi à foirer cette partie. Je ne maîtrise plus rien, encore moins mon organisme face au démon.

J'ai la sensation d'être dans ces tasses pivotantes de fête foraine : je tournoie, encore et encore, victime de la force centrifuge et de la vitesse, sans possibilité d'arrêter le mouvement. Sans aide, je suis incapable de m'extraire de ce dangereux manège.

Dans quelle situation improbable me suis-je fourrée ?

Malgré l'épuisement, je n'arrive pas à mettre mon cerveau sur pause, ressassant les dernières heures. Notre fuite était si hâtive que je réalise vraiment la portée de celle-ci, maintenant. Dans un avion, avec des inconnus dont un qui oscille entre me tuer et m'embrasser, et pour une destination indéterminée.

Heureusement, j'ai avec moi l'ultime vestige de mon ancienne vie. Le pull d'Anna, que j'enlace toujours pendant que notre transport décolle de la piste. C'est la première fois que je voyage hors de mes terres natales. Alors dès que l'appareil effectue un virage, mon cœur tombe dans l'estomac, et j'ai soudain la nausée.

Il manquerait plus que je sois malade.

Quoique, peut-être pourrais-je vomir sur l'ami du démon ? Depuis nos courtes présentations pendant lesquelles je n'ai pas décroché un mot, Henry me dévisage d'un regard lourd de reproches. Sa chevelure blonde, et cet air pincé me rappelle Anna lorsqu'elle était énervée contre moi.

Un élan de tristesse vient m'effleurer, je déglutis difficilement pour tenter de le repousser. Jamais je ne vais pouvoir achever ma quête.

Pardon, Anna, j'ai échoué.

Un goût de cendre dans la bouche, j'essaye d'ignorer les emmerdes qui semblent m'aimer bien plus que moi, et surtout je ne dois pas céder à la panique. D'autant plus, avec un oiseau métallique comme celui dans lequel je suis qui plane à plus de dix mille pieds. Je tousse pour éloigner l'angoisse grandissante. La gorge sèche, je prends conscience que je ne me suis pas hydratée depuis longtemps.

FIGHT AND FORGIVENESSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant