CHAPITRE 23

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Bastian

Je roule à vive allure dans les rues de Hellwood, pour mettre le plus de distance possible entre nous et Oak House.

Je jette un œil à mon accompagnatrice sur le siège passager. L'abandonner dans ce lieu morbide n'était pas envisageable, après tout elle vient de me sauver la vie. Je continue de la dévisager de biais, tout en doutant que cette femme, au bord du précipice, soit la même qui a perpétré ces meurtres sanglants.

Elyana est prostrée contre le dossier, les yeux dans le vague, le visage bloqué dans une expression d'horreur, choquée. Je peux aisément deviner le fond de ses pensées : un homme est mort par notre faute. Oui, j'ai ma part de responsabilité, si j'avais été plus prudent, ce type ne m'aurait pas suivi jusqu'à Oak House.

— Hé, ça va ? l'interrogé-je en espérant avoir une réaction.

Super, Bastian ! Bien sûr qu'elle pète la forme. Elle vient de tuer un innocent pour sauver tes miches d'Écossais.

Elle tourne la tête lentement vers moi, dans ses yeux se reflète l'effroi.

C'est la première fois que je discerne de ce genre d'émotion chez elle. D'habitude Elyana est une montagne, difficile d'accès et l'ascension peut se révéler dangereuse. Ce soir, je ne perçois plus cette coquille dans laquelle elle aimait s'envelopper. Je ne vois qu'une femme apeurée, complètement dépassée par les événements. Son aura mortelle a disparu, il ne reste qu'un chaton effrayé.

— Je ne voulais pas le... tente-t-elle de me dire d'une voix morne.

Elle s'interrompt.

Je sais, tu ne lui voulais pas de mal.

C'était un accident.

Je la conduis à son hôtel, nous descendons ensemble de la voiture. Lorsqu'elle se dirige comme un automate jusqu'à sa chambre, je la suis de près. Je crains qu'elle s'effondre sur le bitume, tellement ses jambes semblent faibles.

— Prépare tes affaires, on ne reste pas, lui ordonné-je en pénétrant à mon tour dans les lieux.

Pas une phrase, un mot ou même un grognement. Elle est figée au milieu de la pièce, les yeux vers le sol. Je m'approche pour tenter de la réveiller, avant de laisser tomber. Je vais m'occuper moi-même de ses bagages, pensé-je en dénichant une grosse besace dans la penderie à ma droite. Je commence à ramasser tout ce que je vois à ma portée, principalement quelques vêtements. Je fonce dans la salle de bains, et balaye la tablette des produits d'une main en balançant la totalité dans le sac. Dans l'urgence, je n'ai pas eu le temps de réfléchir à un plan, alors fuir le plus loin possible de ce pays merdique est la meilleure solution.

Pendant que je rassemble les affaires d'Elyana. Je commence à réaliser ce qu'il vient de nous tomber dessus. Un homme est mort.

Avec un peu de chance, le corps ne sera pas découvert avant plusieurs jours, voire plusieurs semaines, vu l'environnement de la maison. Bien sûr, je sais pertinemment que les flics ne vont pas tarder à faire le rapprochement entre Oak House et son acheteur – moi. La priorité est donc de rentrer en Écosse pour compliquer la tâche aux enquêteurs. Obtenir l'autorisation d'arrêter un suspect hors du territoire devient ardu en termes d'administration, ce qui me laissera du temps pour préparer ma défense.

Shit, Henry !

Il est ici, comment ai-je pu oublier sa présence ? En plus, malgré le message envoyé, vu l'heure tardive, il doit commencer à s'inquiéter.

Je dégaine mon téléphone de la poche, et l'appelle. La main droite occupée par le sac, je continue de charger les derniers produits de la gauche, l'écran collé entre l'épaule et l'oreille.

FIGHT AND FORGIVENESSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant