CHAPITRE 12

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Bastian

La seconde étape de mon plan vient de s'achever. Elle est sans domicile fixe.

Lorsque j'ai discuté avec le personnel de l'hôtel à propos de l'indésirable dans ma suite, l'employée a directement contacté son responsable. J'ai ainsi découvert que White s'était fait passer pour ma femme auprès du réceptionniste en service. D'ailleurs, ce jeune homme bien naïf a subi un sale moment entre mes mains avant d'être renvoyé. Je n'ai pas été tendre dans mes paroles, de fait, son erreur aurait pu engendrer bien plus qu'une légère intrusion. Et s'il réagit de la même manière devant toutes les femmes qui le charment, les clients de l'établissement sont légitimes de s'inquiéter. Après tout cet hôtel abrite une population aisée et parfois célèbre. Alors, laisser entrer un loup dans la bergerie aussi facilement est dangereux.

Le jour même, je lançais l'offensive sur son appartement. J'ai rencontré le propriétaire de White. Un homme vicieux, malaisant, et si manipulable. En l'absence d'un bail, il m'a suffi de quelques témoins généreusement payés pour obtenir son expulsion.

Avec ce genre de maladresse, elle me simplifie presque trop la tâche.

Lorsque je l'ai aperçue sortir de l'immeuble avec ses valises, j'ai ressenti de la satisfaction face à sa misère. Se réfugier dans un bâtiment minable qui porte le nom de « motel » ne fait que me réjouir davantage.

Maintenant qu'elle est sans ressources, je n'ai plus qu'à récolter ses aveux, et ce sera terminé. Rien que de penser à cette éventualité, un pic me serre la poitrine. Est-ce que je suis capable de vivre de nouveau normalement ? Il est vrai que depuis la mort de mon frère, j'ai vécu dans un brouillard constant de colère, et ce soir j'ai l'espoir qu'il disparaisse définitivement.

Surtout que Grandpa' m'a encore appelé aujourd'hui. Il continue de me demander la date de mon retour, je ne peux pas lui répondre. Cet appel m'a toutefois permis de remettre les choses en perspective. Il me tarde de retrouver les plaines vertes de mon pays, de reprendre officiellement mon poste de PDG, et de pouvoir avancer loin de la douleur du deuil.

La terme est proche. La dernière ligne droite, avant que je ne me rende au commissariat. À défaut de la tuer, elle finira sa vie derrière les barreaux. Finalement, je préfère cette solution à la mort qui offre un doux cadeau par rapport à une cage en acier.

Ce rendez-vous orchestré par mes soins sera le point culminant de ma vengeance. Je compte la pousser à se déclarer sur les meurtres. Je n'ai pas de méthode précise, je vais devoir faire confiance à mon instinct. Les fils seront obligés de m'accorder un entretien si j'arrive avec un enregistrement, ainsi que la lettre de mon frère, preuve incontestable de la culpabilité de White.

D'ailleurs, je suis étonnée que l'agent de police en charge de l'enquête de la dernière victime n'ait pas encore compris le lien entre les affaires. La stupidité aurait pris d'assaut l'équipe policière de la ville ? Ou conservent-ils secrètement leur avancée, et ainsi éviter de possibles fuites dans les médias ? Malgré mon nom et mon statut, je n'ai pas réussi à consulter le dossier, et je me refuse à payer un flic ripou. J'ai aussi mes limites, de toute façon l'intérêt n'est pas de dilapider l'argent de mon entreprise idiotement. Il faut savoir identifier les bons investissements, et soudoyer un représentant de l'autorité n'en est pas un. Qui me certifiera que le dossier que je sonde est complet ? Non, il y a trop d'incertitudes pour tenter ce coup-là.

Je consulte ma montre, l'heure fatidique approche. Adossé à l'un des arbres du cimetière, je suis en proie à un vif pincement au cœur en saisissant que tout est bientôt terminé. J'ai aimé la traquer, l'effrayer, la briser. J'en ai encore envie. J'adorerais continuer à lui infliger de la souffrance, la voir se soumettre à moi. Mais ce que je désire le plus, c'est de contempler son visage défait quand elle réalisera que le piège s'est refermé sur elle. Plonger dans ses iris d'un vert mousse profond, et admirer sa résignation.

Peut-être aussi une ultime fois sentir son parfum enivrant.

En l'attendant, je m'amuse à faire glisser son anneau entre mes doigts. Depuis son intrusion dans ma chambre d'hôtel, je le conserve toujours sur moi, comme une relique qui me rappelle sans cesse que je ne dois pas la sous-estimer.

Elyana White est l'ennemie à abattre.

Depuis mon poste d'observation, j'ai une vue imprenable sur la grille de l'entrée du cimetière. Situé sur les hauteurs de la ville, c'est l'endroit idéal pour ce que j'ai prévu. Le plan est bien rodé. Je lève la tête pour admirer la Voie lactée. C'est la pleine lune, c'est peut-être un signe. D'après une légende écossaise bien connue chez moi, cette phase lunaire révèle la véritable personnalité des gens. C'est ainsi que l'on identifie les démons cachés dans leur cœur.

Le regard de nouveau fixé sur la grille, j'aperçois une silhouette. Elle est là.

Que le jeu commence.

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