Chapitre 44

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Malgré sa demande, je n'étais plus fatiguée, je ne désirais plus dormir. Je faisais mine de m'être endormie, et dans ses bras, je me remémorais ce que j'avais vu la veille. Je ne me sentais plus en sûreté. A vrai dire, j'avais peur. Qu'est-ce que cela voulait bien signifier? me demandais-je, me remémorant les scènes atroces de torture qu'Haysen avait subi. L'homme respecté qu'il est, par son titre et ses exploits, n'était en réalité qu'un homme pauvre. Pauvre de force qui acceptait l'humiliation à l'abri de tout regard. L'homme en qui j'avais placé mes espoirs de survie et de protection, était en réalité faible et pitoyable.

Ma tête contre lui, les yeux fermés, je me lamentais de mon sort et du sien. La déception que j'avais me faisait presque ressentir du dégoût envers lui. Lui qui est puissant, lui qui est intouchable, comment peut-il s'abaisser à cela, comment peut-il accepter cette humiliante soumission? Il est le Duc Valder, dont ses armoiries sont les secondes plus puissantes de l'empire après la famille impériale! Comment cela est-ce possible?

Je percevais cette situation comme une terrible injustice. Peu à peu, je regrettais notre union. Je regrettais lui avoir donné ma confiance. J'avais attendu son retour avec foi et impatience. Toutes ces épreuves auxquelles j'avais fait face, toutes ces fois où j'ai contré la mort, mais aussi toutes ces fois où j'ai vu les miens mourir. Je m'étais persuadée que le retour d'Haysen était synonyme de paix éternelle, pour moi. Mais finalement, il était évident que ma vie, mon souffle n'aurait jamais été garanti.

Mes pensées s'agglutinaient méchamment contre Haysen, quand soudain, je le senti recouvrir entièrement mon dos avec la couverture. A ce geste gratuit, et que je ne devais pas connaître, car j'étais censée être endormi, ma rancœur envers lui fondait comme la neige en été. A présent, c'était de la peine que je ressentais.

Un peu plus tard dans la nuit, Haysen sorti du lit. Il s'assura que je ne sois pas réveillée et quitta la chambre. A son départ, je me précipitai vers la sortie et le pris en filature. Il ne va pas rencontrer Cairn de nouveau, n'est-ce pas?

Comme je le craignais, il alla dans son bureau. Je plaçais mon oreille sur la porte pour déchiffrer chaque bruit qui pourrait s'échapper, mais rien. Après quelques minutes, je n'étais plus inquiète, mais une curiosité immense m'envahit. Lentement, j'ouvris la porte. Il n'y avait personne.

Ahh, que faire? Dois-je entrer? me demandais-je, indécise. Puis je tranchai sur la question. Mon désir de savoir était plus fort, et ma détresse pour Haysen l'était également. Silencieusement, j'entrai, et cherchais du regard dans cette pièce sombre, tout signe de vie.

Mon cœur bondit de ma poitrine lorsque mes yeux se posèrent sur Haysen, allongé sur le sofa. Reprenant ma respiration, je m'assis alors au sol, près de lui et le regardais. Son visage était impassible, immaculé, presque mort, mais d'une beauté sans égale. Plongé dans un sommeil calme et apaisant, il avait l'air innocent, et possiblement pouvait être la cible de toute attaque et de toute méchanceté. Je restais comme cela quelques minutes, et dans le silence absolu de la nuit, je m'assoupis.

D'étranges bruits me réveillèrent. Et la provenance de ces bruits n'était autre qu'Haysen. Il grognait de douleur dans son sommeil.

Ngh, mmhh, haa...

Ne sachant pas quoi faire dans la panique, je chuchotais: " Haysen, ce n'est rien, calmez vous...". Et dans un sursaut ultime, il se réveilla.

Haa, Haa, Ha...

Il reprenait ses esprits, me regardant extrêmement étonné.

- Iridessa?

Ses yeux écarquillés de surprise, je compris enfin. Cet homme est seul. Il est tellement puissant qu'il est seul face aux défis de la vie. Il ne peut demander de l'aide à quiconque, lui, à qui l'aide lui est demandé. Il ne peut trouver refuge ni confort dans un monde où il doit être intouchable. Mon cœur se fendit, comprenant qu'Haysen était peut-être aussi brisé et vulnérable que moi.

- Ce n'est rien, juste un cauchemar, le rassurais-je en posant ma main sur sa joue. Ce n'est rien.

- ...

- Je vais vous chercher de l'eau, je reviens.

Mais mon départ fut arrêté par sa main qui agrippait mon bras.

- ... Non. Je n'en ai pas besoin.

Alors, je m'assis de nouveau sur le sol, levant les yeux sur lui.

- ...Haah, que faites-vous là? me dit-il, repoussant ses mèches de cheveux vers l'arrière.

-... Je me suis réveillée, mais vous n'étiez plus là.

Le silence qui suivit confirmait mes craintes.

- En réalité, commençais-je, vous venez chaque nuit dormir ici, n'est-ce pas ?

Un mélange d'embarras et d'agacement structurait son visage, comme un enfant qui avait été pris la main dans le sac.

Il était évident de nouveau, malgré les pensées négatives qui m'ont habité plutôt, qu'Haysen était le seul en qui je pouvais compter. Mais peut-être, pouvais-je aussi lui servir? Tout comme notre contrat de mariage l'indiquait, rester ensemble et devenir la force de l'autre. Si je lui sers autant qu'il me sert, peut-être que je ne ressentirais plus de remords ni de dette envers lui. Nous serions alors égaux dans cette union.

- ...Oui... Mais ce n'est pas contre vous! il me rassura.

- Nous ne sommes pas obligés de dormir ensemble, retournez à votre lit, j'irai dormir dans le mien.

- Iridessa! Je vous garantis que vous n'êtes pas la raison! me dit-il légèrement inquiet.

Bien que j'avais mon idée sur pourquoi, il quittait notre lit la nuit, je restais muette, espérant qu'il me le dise lui-même.

-... Je vous le jure. Ce n'est pas vous, le problème, croyez-moi. S'il vous plaît, continuez de vous endormir à mes côtés.

Il ne veut pas me dire.

- Pourquoi? Je devine bien que vous n'appréciez pas ma présence. J'ai sûrement été un peu trop avide. Je vous prie de m'excuser d'être entré dans votre chambre chaque soir comme une évidence.

Va-t-il enfin avouer à présent?

- Non! Non, Iridessa, ce n'est pas ça.

- A quoi bon m'endormir à vos côtés quand vous ne serez pas là à mon réveil? Son regard dépité me satisfaisait. Je ne vous en veux pas, Haysen. Je comprends.

Par une dernière parole et un dernier geste, dans cette pièce de théâtre que je nous faisais jouer, je l'embrassai sur la joue puis m'apprêtais à sortir. Avançant vers la porte, j'attendais qu'il me retienne, mais chaque pas que je faisais augmentaient ma crainte qu'il me laisse partir.

Mais au moment d'ouvrir la porte, il posa sa main sur l'ouverture de celle-ci, m'empêchant de m'en aller.

- ... J'ai le sommeil agité. Je dors peu, et ne ferais que de vous déranger.

Enfin, il me l'a dit. Bien que j'avais deviné sa raison, ses paroles me soulageaient.

- Ne vous en faites pas. J'ai le sommeil lourd, lui dis-je d'un ton rassurant.

Prenant sa main, je l'invitai à retourner dans notre lit.

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⏰ Dernière mise à jour : Aug 29 ⏰

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