Chapitre 31

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La nuit semblait peser de tout son poids sur les épaules de Nyx, la route se dessinant à peine devant elle sous la pluie battante. La violence des gouttes qui martelaient son casque créait une mélodie à la fois apaisante et oppressante, mais ce n'était rien comparé à la tempête qui grondait en elle.

Elle accélérait encore, poussant sa moto à ses limites, comme si la vitesse pouvait effacer le chaos de ses pensées.

"Je connaissais Arès."

Les mots de Théon tournaient en boucle dans sa tête. Chaque répétition ravivait une blessure qu'elle avait cru refermée, mais qui s'ouvrait à nouveau, plus profonde, plus douloureuse. Arès... son frère. Celui qu'elle avait perdu, et pour lequel elle avait voué sa haine à Eryx. Tout son monde, son existence même, reposait sur cette perte. Si Théon disait la vérité, alors tout ce qu'elle avait construit, cette vie de vengeance, d'oubli, était fondée sur un mensonge insupportable.

La pluie s'intensifiait à mesure qu'elle approchait de la falaise, ce lieu caché au bord du monde, où elle et Arès allaient lorsqu'ils étaient enfants. C'était leur sanctuaire, un endroit où ils étaient invisibles aux yeux des autres, où seuls leurs rires résonnaient entre les rochers.

Aujourd'hui, ce lieu était devenu son refuge, son ultime échappatoire face aux vérités qui menaçaient de la dévorer.

Elle arrêta sa moto, le moteur mourant dans un dernier râle, et descendit lourdement, le cœur battant à tout rompre. Elle sentait son souffle court, ses pensées éparpillées, sa gorge nouée par une émotion qu'elle ne pouvait plus réprimer. Ses cheveux, détrempés par la pluie, collaient à son visage, mais elle n'y prêta aucune attention. Seuls comptaient ces souvenirs qui se bousculaient dans son esprit.

Elle avança jusqu'au bord de la falaise, sentant le vent glacial s'engouffrer dans sa veste de cuir, transperçant sa peau comme des lames. Le vide sous elle semblait l'appeler, un écho à la solitude qui l'habitait depuis si longtemps.

Ici, dans cet endroit, elle n'était plus la chef impitoyable des Keres, ni la femme forte qu'elle montrait au monde. Ici, elle redevenait cette jeune fille fragile, une sœur éplorée, une âme perdue dans l'immensité de ses propres ténèbres.

Elle ferma les yeux, laissant les gouttes de pluie se mêler à ses larmes. La pluie... Elle l'avait toujours aimée pour cette raison. Elle pouvait pleurer en silence, sans que personne ne le sache. Personne ne voyait ses larmes, pas même elle.

Aujourd'hui, elle pleurait pour Arès, pour elle-même, et pour toutes ces vérités cachées qui revenaient la hanter.

"Pourquoi...", murmura-t-elle, sa voix se perdant dans le vent. "Pourquoi m'avoir laissé croire que tu étais mort ? Pourquoi m'avoir condamnée à cette vie de haine et de douleur ?"

Son corps tremblait, non seulement à cause du froid, mais à cause du poids de tout ce qu'elle portait en elle. Elle se sentait si seule, si vulnérable, comme une petite fille cherchant désespérément des réponses qui ne viendraient peut-être jamais.

Et puis, soudain, elle sentit une présence derrière elle. Son cœur manqua un battement. Elle se retourna vivement, prête à se défendre, mais lorsqu'elle vit Eryx, debout sous la pluie, le regard fixé sur elle, ses défenses s'effondrèrent instantanément.

Il était là, immobile, trempé jusqu'aux os, mais ses yeux... ses yeux disaient tout. Ils la cherchaient, la comprenaient, sans un mot.

Eryx n'avait rien dit. Il savait. Il savait qu'elle serait là, dans cet endroit où tout avait commencé pour elle. Il connaissait cette douleur qui l'habitait, car il l'avait lui-même provoquée. Il avait toujours su où la trouver.

Leurs regards se croisèrent, et en un instant, la carapace de Nyx se fissura. Tout ce qu'elle avait essayé de refouler, de masquer sous des couches de force et de rage, éclata dans un élan irrépressible. Elle se jeta dans ses bras, ses sanglots brisant enfin le silence oppressant de la nuit.

Eryx, pris au dépourvu, la serra contre lui, sentant la fragilité de son corps tremblant contre le sien. Il n'avait jamais vu Nyx comme ça. Cette femme, toujours forte, toujours implacable, s'effondrait dans ses bras, et il comprenait que tout ce qu'elle avait traversé, tout ce qu'elle avait combattu, était en train de la dévorer de l'intérieur.

Elle sanglotait, ses poings frappant faiblement son torse, comme pour rejeter cette douleur qu'elle ne parvenait pas à exprimer autrement.

« Pourquoi... pourquoi tout ça... ? » murmura-t-elle entre deux sanglots, sa voix brisée. « Pourquoi mon frère... pourquoi moi ? »

Eryx, silencieux, resserra son étreinte, ses mains glissant doucement dans ses cheveux trempés, caressant sa tête comme pour l'apaiser. Il ne savait pas quoi dire. Il ne savait pas comment répondre à ces questions qu'elle posait autant à elle-même qu'à lui.

« Je ne sais pas, » murmura-t-il enfin, sa voix rauque d'émotion.

« Mais on trouvera la réponse. Ensemble. »

Nyx releva doucement la tête, ses yeux rougis par les larmes cherchant une lueur d'espoir dans ceux d'Eryx. Il la regardait avec une tendresse qu'elle n'avait jamais crue possible. Pour la première fois, elle se laissa aller à cette tendresse, à cette fragilité qu'elle avait si longtemps refoulée.

Elle posa sa tête contre son torse, écoutant les battements réguliers de son cœur, cherchant un réconfort qu'elle n'avait jamais cru mériter. Eryx continuait de la serrer contre lui, son propre cœur lourd de la douleur qu'il sentait en elle.

« Je ne peux pas... » murmura-t-elle, ses mots étouffés contre son torse.

« Je ne peux pas avancer sans savoir... sans comprendre ce qui est arrivé à Arès. »

« Je sais, » répondit-il doucement, ses lèvres frôlant ses cheveux.

« Je suis avec toi, Beauté. Peu importe ce qu'on découvre, je ne te laisserai pas affronter ça seule. »

Leurs visages étaient si proches, malgré la pluie et le froid, une chaleur douce et réconfortante émanait d'eux. Dans ce moment suspendu, il n'y avait plus de douleur, plus de passé. Juste eux deux, seuls contre le monde.

Nyx ferma les yeux, laissant ce moment s'imprégner en elle. Peut-être que tout allait s'effondrer demain. Peut-être que ce qu'elle découvrirait la détruirait. Mais pour la première fois, elle se sentait prête à affronter tout ça. Parce qu'Eryx était là. Parce qu'il la comprenait.

« Je ne suis pas prête, » murmura-t-elle, ses lèvres frôlant celles d'Eryx. « Mais je le ferai pour toi. »

Ils restèrent ainsi, sous la pluie, leurs corps collés l'un à l'autre, partageant un silence où l'amour et la douleur se confondaient, leurs cœurs battant à l'unisson.


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