Chapitre 33

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Eryx se tenait dans le bureau de Nyx, un espace saturé de son essence. Tout dans cette pièce, des cartes éparpillées sur les murs aux croquis de missions accrochés sur des tableaux d'affichage, semblait murmurer ses pensées secrètes.

La pièce, bien que familière pour Nyx, semblait désormais étrangère à Eryx. L'aura qu'elle dégageait, cette intensité presque palpable, renforçait la solitude qui émanait du silence oppressant qui régnait dans la pièce.

Assis dans le fauteuil en cuir usé, Eryx observait un vieux dossier posé devant lui. Ses doigts glissaient sur les pages jaunies, chaque mouvement empreint d'une tension sous-jacente. Les tortures qu'il avait subies avaient laissé plus que des cicatrices physiques. Sa convalescence, bien que rapide, n'avait pas effacé la douleur, et chaque mouvement le ramenait à sa vulnérabilité. Pourtant, son esprit demeurait lucide, plus déterminé que jamais à reconquérir ce qui lui appartenait. Il n'avait pas de temps à perdre.

Au milieu de ses réflexions, un nom revenait sans cesse dans son esprit : Arès. Le frère jumeau de Nyx, qu'il avait cru mort depuis des années, hantait maintenant ses pensées comme une ombre insaisissable. Chaque fois qu'il prononçait ce nom dans son esprit, cela lui rappelait la haine viscérale que Nyx avait nourrie pour lui.

Une haine qui avait guidé leurs vies entremêlées dans une spirale de destruction. Mais à présent, Eryx comprenait que cette haine avait été forgée sur des mensonges. Tout ce qu'ils avaient cru savoir, tout ce qui les avait définis, était une manipulation habilement orchestrée.

Il se leva lentement de sa chaise, jetant un coup d'œil à travers la fenêtre du bureau, où le paysage industriel du repaire des Keres s'étendait devant lui. Il se savait en territoire étranger, dans un lieu qu'il ne contrôlait pas entièrement. Pourtant, il ressentait une familiarité dans cette pièce, comme si la présence de Nyx imprégnait chaque mur, chaque recoin.

Le bruit soudain d'une porte qui s'ouvrait avec précaution le fit se retourner brusquement. L'un de ses hommes, l'air visiblement nerveux, pénétra dans la pièce, son visage blême trahissant une nouvelle importante.

« Boss, nous avons un problème, » murmura-t-il avec hésitation.

Eryx fixa l'homme d'un regard perçant, devinant déjà la nature de la nouvelle. Depuis qu'il avait repris contact avec ses lieutenants, il avait ressenti une tension latente, des silences trop longs, des regards trop fuyants.

« Parle. » Sa voix, bien que calme, portait en elle une menace implicite.

L'homme s'approcha prudemment, son regard fuyant celui de son chef.

« Rodrigo et Emiliano. Ils ont été vus en compagnie d'hommes liés à Mentha. Ils commencent à douter, patron. »

Eryx ne laissa pas transparaître sa colère, mais il sentait déjà la fureur monter en lui. « Douter ? » répéta-t-il, comme si le mot lui brûlait la langue.

« Oui. Ils... ils pensent que vous êtes trop faible . » Les mots étaient prononcés à voix basse, mais ils résonnaient avec une violence sourde dans la pièce silencieuse.

Eryx se redressa lentement, chaque geste mesuré malgré la douleur lancinante dans ses muscles encore fragiles.

« Laisse-les penser ce qu'ils veulent, pour l'instant. Mais rappelle-leur une chose : je suis toujours ici, debout. Et quand viendra le moment, ils comprendront pourquoi je suis leur chef. » Son ton était glacial, tranchant comme une lame affûtée.

L'homme hocha timidement la tête avant de se retirer, laissant Eryx seul face à ses pensées. Ses yeux se posèrent de nouveau sur les cartes et les notes de Nyx. Chaque croix rouge, chaque annotation semblait refléter les mouvements de Mentha, cette femme qui, autrefois, jouait le rôle de la confidente parfaite, mais qui, désormais, n'était plus qu'une manipulatrice prête à tout pour étendre son emprise.

Mais ce n'était pas seulement Mentha qui hantait ses pensées ce soir-là. C'était aussi ce nom, « Arès », qui le perturbait, revenant inlassablement dans son esprit comme un avertissement.

Soudain, un frisson étrange traversa son échine. Un sentiment de malaise, comme si une présence invisible venait de pénétrer dans la pièce.

Eryx se tourna lentement, ses sens en alerte. Dans l'ombre de la pièce, il perçut un mouvement, une silhouette indistincte qui se détachait à peine du reste de la pénombre.

Eryx se tendit. Ses instincts le poussaient à se préparer au pire.

« Qui est là ? » demanda-t-il, sa voix devenant plus dure, trahissant la tension croissante.

La silhouette sortit lentement de l'ombre, révélant un homme grand, à la carrure imposante. Mais ce qui frappa Eryx, ce fut son visage. Un visage qu'il connaissait bien, mais qu'il n'avait plus vu depuis des années. Arès. Le frère de Nyx. Celui qu'il croyait avoir tué.

Eryx resta figé, ses yeux rivés sur l'apparition devant lui. « Arès... » murmura-t-il, comme s'il cherchait à se convaincre de la réalité de la scène.

Arès, vêtu de noir, un sourire narquois accroché à ses lèvres, fit quelques pas en avant, son regard calculateur fixé sur Eryx.

« Je vois que tu te souviens de moi. »

Le cœur d'Eryx battait à tout rompre, mais il ne laissa rien transparaître. Son visage demeura impassible. « Je t'ai vu mourir. »

Arès haussa légèrement les épaules, comme si la question ne l'intéressait pas. « Mourir ? » Il ricana doucement, un rire glacé qui résonna dans la pièce.

« Non, ce que tu as vu, c'était ce que tu devais voir. »

Eryx sentit une rage sourde monter en lui, mais il resta immobile. Chaque fibre de son être lui criait de se méfier de cet homme, mais il avait besoin de comprendre.

Arès se rapprocha encore, ses pas légers, presque silencieux, tandis que ses doigts caressaient machinalement le dossier de cuir du fauteuil.

« Ce que tu crois savoir n'est qu'un fragment d'une histoire bien plus vaste. Tu pensais avoir tout compris, mais tu n'es qu'une pièce sur l'échiquier. Tout comme elle. »

Eryx serra les poings, sa mâchoire se crispant.

« Je ne suis la pièce de personne. »

Arès sourit de plus belle, une lueur malveillante dans les yeux.

« Vraiment ? Tu es tombé dans le piège de Mentha, tout comme Nyx. Vous avez tous les deux été manipulés depuis le début. Et maintenant, vous êtes à ma merci. »

Le silence dans la pièce était devenu presque palpable. Eryx pouvait sentir chaque battement de son cœur résonner dans ses tempes. Il s'efforça de garder son calme.

« Mentha pense te contrôler. Mais tu es là, dans l'ombre. Qu'est-ce que tu veux vraiment ? »

Arès pencha légèrement la tête, son sourire devenant plus cruel. « Nyx m'appartient, Eryx. Elle est ma sœur, mon sang. Tant que je vivrai, elle ne sera jamais à toi. »

Il se détourna, jetant un dernier regard à Eryx par-dessus son épaule.

« Tu veux des réponses ? Elles viendront. Mais elles te détruiront avant même que tu ne puisses les comprendre. »

Et avec ces mots, Arès disparut aussi soudainement qu'il était apparu, se fondant dans l'obscurité comme une ombre insaisissable. Eryx resta debout, les poings serrés, le souffle court. Cette rencontre avait ébranlé toutes ses certitudes.

Arès, vivant. Mentha, un pion dans un jeu bien plus grand. Et Nyx, prise au milieu d'une guerre familiale dont elle ignorait l'ampleur.

Le sol se dérobait sous ses pieds, mais il savait une chose : il n'abandonnerait pas. Ni Nyx, ni son cartel. Il irait jusqu'au bout, même si cela signifiait affronter les démons les plus sombres de son passé.


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