Chapitre 34

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2 JUIN 2018 – 21h30

Portland.

Il m'a fallu du temps. Des semaines, des mois à perfectionner mon plan. Des heures interminables à la suivre, à anticiper ses moindres mouvements. Je ne pouvais pas échouer. Pas cette fois. Le piège devait être impeccable, calculé à la perfection pour qu'elle vienne à moi. Pas une seule fausse note. Et maintenant, je suis là, à attendre qu'on me l'apporte, comme une proie qui, sans le savoir, s'avance d'elle-même dans les griffes du chasseur.

Mon regard glisse vers les deux silhouettes affalées sur le canapé en face de moi. Deux corps fragiles, des vieillards, respirant profondément dans un sommeil artificiel. Les propriétaires de cette maison. Des gens simples, sans histoire. Ils ne m'intéressent pas. Je ne voulais pas faire de victimes, pas encore. Leur seul rôle dans cette scène est de m'offrir un toit, un cadre. Un lieu où tout se jouera.

Je me lève lentement, veillant à ne pas perturber leur sommeil induit. Ils sont complètement inconscients, ignorants de ce qui se trame sous leur propre toit. Ils ne se réveilleront pas avant l'aube, et d'ici là, tout sera fini. Je jette un coup d'œil autour de moi. La maison respire la banalité, une vie ordinaire suspendue en cet instant d'attente. Un cadre idéal pour une mise en scène parfaite.

Le tic-tac lent de l'horloge résonne dans le silence. Une horloge vieille, poussiéreuse, qui trône sur la cheminée. Chaque battement semble résonner en moi, comme le compte à rebours d'un destin scellé. Bientôt, elle sera là. J'imagine son visage, ses yeux grands ouverts d'incrédulité lorsqu'elle comprendra qu'elle est tombée droit dans mon piège.

Je suis l'ombre. Je suis le piège.

Et elle... elle est enfin là.

Je m'apprête à voir mes efforts récompensés, lorsque soudain, la porte s'ouvre brutalement, coupant net le silence oppressant. Hugo entre dans mon champ de vision, l'air sérieux, presque tendu.

— Un problème ? demandé-je en relevant à peine les yeux.

— J'ai eu Logan au téléphone, annonce-t-il, sa voix plus grave que d'habitude.

Je fronce légèrement les sourcils. Le ton de Hugo m'alerte qu'il y a plus que de simples nouvelles de routine.

— Quelles sont les nouvelles ? dis-je en m'appuyant contre le dossier du fauteuil, mon attention désormais totalement fixée sur lui.

Hugo s'approche de la table, s'assied avec un calme calculé, puis pose son téléphone devant moi. Il garde les yeux sur moi, pesant chaque seconde qui s'écoule.

— Il l'a retrouvé, murmure-t-il enfin.

Mon cœur fait un bond. Je saisis immédiatement le téléphone. Mon pouls s'accélère sans que je sache vraiment pourquoi. Le téléphone de Hugo affiche une image floue, mal prise, mais suffisamment claire pour me troubler. Je plisse les yeux, détaillant la photo. Mon souffle se coupe.

C'est lui.

Emile.

Et il porte un uniforme. Un putain d'uniforme de police.

Je déglutis difficilement, comme si un nœud s'était formé dans ma gorge. L'image se fige dans mon esprit, insupportablement claire. Le choc me cloue sur place, les pièces du puzzle se reconstituant dans ma tête avec une lenteur douloureuse.

— Ce fils de pute... articulé-je, mes doigts se crispant autour du téléphone. Mon regard ne quitte pas l'image.

Hugo se penche en avant, son visage grave, sentant que la tempête gronde sous la surface.

PURSUED [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant