Chapitre 36. ✔️

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17 juin 2018 – 15 heures.

Le vent frais de la fin de l'après-midi balaie le cimetière, chuchotant des secrets que seuls ceux qui ont perdu savent entendre. Je m'avance lentement, mes pas résonnant sur le gravier, chaque bruit comme une empreinte de mon âme tourmentée. Les pierres tombales se dressent autour de moi, chacune portant un nom, un souvenir.

Le cimetière est un endroit où le temps semble suspendu, chaque seconde se dilate dans un silence lourd, interrompu seulement par le souffle du vent qui caresse les feuilles des arbres.

J'arrive enfin devant la tombe.

L'inscription, simple et épurée, me foudroie d'un mélange de douleur et de nostalgie. Une douleur sourde se lève en moi, telle une marée montante. Les mots gravés dans la pierre — "À jamais dans nos cœurs" — résonnent comme une moquerie cruelle. Une profonde tristesse s'empare de moi, et je laisse échapper un soupir, comme si l'air même avait du poids.

Je m'agenouille, ma main droite tremblante touche la terre froide. Un frisson me parcourt, comme si chaque brin d'herbe était un écho de leur absence. Les larmes, brûlantes et salées, s'échappent de mes yeux, coulant sur mes joues comme une rivière de chagrin. Je suis un naufragé sur l'île déserte de ma douleur.

— Salut maman, murmuré-je, comme si elle pouvait m'entendre, comme si mes mots pouvaient combler le vide béant que leur départ a laissé.

Le parfum de l'herbe coupée, mélangé à celui de la terre humide, remue des souvenirs enfouis, des éclats de rires et des moments de douceur que je chéris encore. Mon frère, riant aux éclats, ma mère, toujours souriante, essayant de nous protéger des ombres qui planaient au-dessus de nous.

Je me revois les perdre, l'horreur de cette nuit fatidique gravée dans ma mémoire, une scène que je ne peux m'empêcher de revivre. Les cris, les pleurs, le chaos, et cette voix qui hurlait dans ma tête : Pourquoi n'as-tu pas pu les sauver ?

Je me lève, la frustration pulsant dans mes veines. L'envie de crier, de hurler contre le ciel, me consume.

Pourquoi eux et pas moi ?

Pourquoi est-ce que je suis resté, condamné à vivre cette existence de souffrance et de désespoir ?

J'ai essayé de me battre, d'être fort, mais à quel prix ?

Une larme glisse sur ma joue, brûlante comme de la lave. Je m'en veux d'éprouver de la tristesse pour moi-même alors que je devrais pleurer ma mère et mon frère. Pourquoi ai-je besoin de leur pardon ? Je suis l'architecte de ma propre destruction.

J'ai trahi leurs souvenirs, j'ai piétiné les promesses que je leur avais faites.

Mes pensées dérivent vers Aurélie. Dans ma quête de pouvoir et de contrôle, je suis devenu ce que je détestais. L'obsession de la posséder m'a aveuglé, et je réalise que je me suis perdu en chemin, tout comme j'avais perdu ma mère et mon frère. J'étais censé les protéger, et maintenant, je ne peux même pas sauver ceux qui restent.

Je ferme les yeux, prenant une profonde inspiration pour tenter de me calmer. Les souvenirs affluent — les sourires, les câlins, les promesses d'un avenir meilleur. Une vague de mélancolie me submerge, et je me demande si je pourrais un jour leur faire honneur.

— Tu serais triste d'apprendre ce que je suis devenue maman, murmuré-je, ma voix brisée par l'émotion.

Je me redresse lentement, le cœur lourd, le souffle court. Je regarde les tombes, puis le ciel. Les nuages sombres s'amoncellent au-dessus de moi, comme s'ils reflétaient l'orage qui gronde dans mon cœur. Mon esprit lutte, tiraillé entre le désir de vengeance et la volonté de rédemption. Je suis un homme brisé, un homme rongé par le désespoir, et je me demande si je pourrai un jour guérir.

PURSUED [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant