Chapitre 49

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Alors qu'ils reprenaient lentement leur souffle, toujours enlacés contre le mur des écuries, Andrew relâcha doucement son emprise sur Peter. Un silence lourd retomba entre eux, brisé seulement par le murmure des chevaux et le léger craquement du foin sous leurs pieds.

Andrew resta immobile quelques instants, observant Peter d'un regard indéchiffrable, puis il se recula, remettant en place sa chemise d'un geste tranquille, presque pensif. Peter, quant à lui, sentait encore les battements de son cœur résonner jusque dans ses tempes.

-Habille un deuxième cheval, celui que tu souhaites, pendant que je termine de m'occuper du mien, ordonna soudain Andrew, sa voix douce mais ferme.

-Je veux aller me promener avec toi autour du lac.

Peter, encore sonné, acquiesça sans poser de question, se demandant ce que le marquis avait en tête.

Les deux amants montèrent leurs chevaux et s'éloignèrent des écuries, en direction du lac. La jument de Peter sauta un obstacle, le garçon ne put s'empêcher de retenir une grimace lorsqu'une douleur le lança dans le bas du dos. Andrew ricana, moqueur.

-Cela doit être douloureux de faire du cheval après ce que je t'ai fait, n'est-ce-pas Peter ?

Le garçon se sentant humilié par le noble, lui lança un regard empli de défis.

-Ne vous en faîtes pas, Monseigneur, cela ne m'empêchera pas d'être toujours plus rapide que vous.

Andrew haussa un sourcil, à son tour provoqué.

-Bien c'est ce que nous allons voir. Rendez-vous au lac, mon garçon.

Il n'attendit pas la réponse de Peter pour se mettre au galop, à toute allure. Peter le suivit de près, motivé par la rage de battre le marquis. Ils se lancèrent dans une folle course, en direction du lac, mais sans surprise, Peter battit Andrew, une fois de plus avec une facilité déconcertante. Le noble, qui masquait à peine sa susceptibilité, descendit de son cheval, vexé. Peter ne put s'empêcher de lui sourire, provocateur. Sans prévenir, Andrew s'avança vers lui et le poussa brutalement, le garçon tomba en arrière, dans le lac. Il ressortit aussitôt sa tête de l'eau, le regard ahuri. Le marquis s'esclaffa devant son expression.

-Cela t'apprendra à te montrer impertinent avec moi.

Peter voulut rétorquer mais Andrew se précipita de se débarrasser de sa veste et ses bottes pour plonger à son tour le rejoindre. Le marquis nagea jusqu'à son amant et le souleva dans ses bras. Leurs lèvres se mêlèrent dans un baiser enflammé, presque inconsciemment comme si leurs corps étaient invariablement attirés l'un par l'autre. Andrew s'écarta du garçon, essoufflé.

-Vois-tu cette barque à l'autre bout du lac, Peter ? Voyons si ton corps maigrichon est aussi rapide pour la nage, le premier de nous deux qui la touche, remporte la course.

Peter, amusé par ce nouveau défi, acquiesça d'un mouvement de tête. Les deux amants nagèrent à toute vitesse, en direction du bois flottant mais cette fois-ci, la maigre musculature du domestique lui fit défaut, rapidement, le noble le dépassa pour atteindre la barque. Andrew, monta habilement dessus, un regard triomphant en direction de Peter qui le rejoignit à son tour, dépité. Le noble lui tendit la main pour l'aider à monter dans le bateau, et d'un simple geste, il souleva le corps de son amant pour l'amener à lui. Ils se débarrassèrent de leurs vêtements mouillés qu'ils étendirent sur le rebord de la barque pour les sécher.

-Monseigneur, est-ce bien raisonnable d'être nus, tous les deux, quelqu'un pourrait nous voir ? Dit-Peter en s'asseyant dos au marquis, qui déposait de tendres baisers contre sa nuque.

-Personne ne vient jamais ici, répondit Andrew, ses lèvres frôlant la peau du garçon à chaque mot prononcé, et puis, je te l'ai dit Peter, personne n'osera nous dire quoi que ce soit.

Pour la première fois, Peter écouta le marquis et décida d'enfin abandonner sa conscience pour profiter de l'instant. Il relâcha sa tête en arrière contre l'épaule d'Andrew. Une brume survolait le lac, lui donnant un aspect mystique. Seuls les bruits des corbeaux résonnaient dans les plaines humides. Peter se sentit soudainement, incroyablement bien, apaisé comme il ne l'avait jamais été de toute sa vie.

-Monseigneur, jusqu'où va ce lac ?

Andrew prit les rames et commença à faire avancer le bateau, sans la moindre difficulté. Peter se tourna vers lui, interloqué. Le noble lui répondit par un sourire en coin.

-La seule façon de le savoir, c'est de s'y aventurer, non ?

Le garçon lui répondit à son tour par un large sourire, excité de traverser ce somptueux paysage qui se dressait devant eux, semblable à un tableau du célèbre paysagiste John Constable. Peter, bercé par les bruits des rames qui pénétraient la surface de l'eau et le chant des oiseaux, ferma les yeux, s'abandonnant.

-Monseigneur ? Demanda-t-il d'une voix rêveuse.

-Oui, Peter ?

-Contez-moi une histoire, je veux entendre vos talents d'orateur.

Même si le domestique ne le voyait pas, il pouvait sentir le noble sourire dans son dos. Andrew déposa un léger baiser sur son épaule frêle déclenchant une vague de frisson.

-Bien. Alors je vais te raconter une histoire qui te fera probablement rire. Elle s'appelle Le Sir et sa perruque. Sir Edouard de Montcarré, qui était célèbre pour sa perruque extravagante, un modèle haut et décoré de rubans et de plumes. Obsédé par son apparence, Sir Edouard refusait de la retirer, même pour aller dormir.

Peter échappa un gloussement. Andrew sourit, ravi d'entendre pour la première fois son amant rire.

-Un jour, alors qu'il faisait une partie de chasse avec ses amis et ses gardes, un vent violent s'abattit, sa perruque s'envola dans les airs.

Le noble mettait dans l'intonation dans chaque mot, faisant vivre son récit. Peter l'écoutait attentivement en silence.

-Ses amis et ses gardes, ne voyant pas de loin, pensèrent qu'il s'agissait d'un oiseau rare. Ils se mirent alors à tirer avec leurs fusils de chasse sur la perruque du noble. La perruque finit par redescendre sur le sol, trouée de tous les côtés, sous le regard dépité de Sir Edouard qui arborait un crâne dégarni. Depuis ce jour, lorsque du faisan est servi à table, nous l'appelons « La perruque de Sir Edouard ».

Peter s'esclaffa jusqu'aux larmes.

-Non, Monseigneur, je ne vous crois pas, vous avez inventé cette histoire.

Andrew lui répondit par un tendre sourire.

-Je t'assure qu'elle est aussi réelle que toi et moi, Peter. Dit-il en l'embrassant à nouveau.

Le regard du noble devint subitement grave.

-Peter ce que tu m'as dit cette nuit, le pensais-tu ?

-Quoi donc, Monseigneur ?

-Que tu ne me détestais pas. Qu'en réalité j'hantais tes pensées, le pensais-tu ?

La respiration de Peter s'accéléra, son sourire se fana, il se redressa pour s'écarter du noble. Il hésita un instant avant de répondre.

L'amant du Marquis Où les histoires vivent. Découvrez maintenant