Chapitre 10

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Dimanche 25 août 2019, en fin d'après-midi

    « Il y a bien des manières de ne pas réussir, mais la plus sûre est de ne jamais prendre de risques. Benjamin Franklin ».

    Assise au bureau de sa chambre d'enfant, Elisabeth ne pouvait s'empêcher de lire et relire le dernier proverbe que Léo lui avait laissé le matin-même dans sa boîte aux lettres. Cette citation écrite sur un bout de papier représentait leur unique contact depuis qu'ils s'étaient froissés, deux jours plus tôt. Depuis, ils ne s'étaient pas reparlés. Bien trop fiers, chacun avait préféré rester bouder de son côté plutôt que de reconnaître ses propres torts.

    Dans un soupir, Elisabeth rangea le petit mot dans son enveloppe. Elle ignorait comment Léo était au courant mais, bien sûr, il faisait allusion au fait qu'elle ait arrêté son entraînement.

    Suite à sa rencontre avec son ancienne bande d'amis, elle n'avait pas osé remettre les pieds à la plage, bien trop angoissée à la simple idée de les re-croiser. A la place, elle était partie se réfugier chez son père, le temps du week-end. Le seul auprès de qui elle avait été capable de se confier avait été son ancien journal intime.

    Le stylo à la main, Elisabeth était perdue dans ses pensées lorsqu'une voix grave, légèrement amusée, se mit à lire par-dessus son épaule :

    — « Je crois qu'une fois de plus, je me suis trompée. Comme le dit le proverbe : le meilleur secret pour ne jamais tomber est de toujours rester assis* ».

    Inutile de se retourner pour savoir qui se tenait derrière son dos. Préférant l'ignorer, Elisabeth examina son journal, le visage renfrogné.

    Ils restèrent ainsi plusieurs longues minutes avant que Léo ne se décide à rompre le silence.

    — Et si, au contraire, notre plus grande gloire n'était pas de ne jamais tomber, mais de nous relever après chaque chute** ? lui souffla-t-il doucement.

    Pour toute réponse, Elisabeth se tassa encore un peu plus sur sa chaise, ce qui en disait long sur son propre avis.

    — Qu'est ce que tu fais là, d'abord ? Je ne t'ai pas invité à ce que je sache, maugréa-t-elle sans prendre la peine de lui faire face.

    Léo soupira.

    — C'est ton père qui m'a laissé entrer. Il paraît que tu as arrêté de t'entraîner ?

    Pour toute réponse, Elisabeth haussa les épaules avant de se replonger dans son écriture.

    Moi qui me voyais gagner le BigAir il y a tout juste une semaine de ça ; aujourd'hui, je ne suis même plus sûre d'avoir envie d'y participer. Je me sens tellement perdue. Ces derniers temps, j'ai l'impression que ma vie toute entière est faite de montagnes russes ! J'avoue que je ne sais plus quoi faire...

    — Comment ça, « tu ne sais plus quoi faire » ? s'emporta Léo qui n'en croyait pas ses yeux. C'est pourtant simple : tu as le choix de te battre ou de baisser les bras. (Il se força à prendre une grande inspiration avant de poursuivre, plus posément) Viens t'entraîner avec moi, Elisabeth. Je suis certain que tu seras prête ! D'ailleurs, tu l'es déjà...

    Face à la sincérité de ses propos, Elisabeth fut prête à accepter son offre, l'espace d'un court instant. Puis, se rappelant du sentiment d'humiliation qui l'avait parcourue lorsqu'il lui avait avoué être au courant de son double jeu, elle se ravisa aussitôt, la mine boudeuse.

    A la place, elle se remit à écrire.

    Ma décision est prise : je ne retournerai pas m'entraîner avec Léo. En réalité, je ne sais même pas si je retournerai m'entraîner tout court. J'imagine que ça n'a pas vraiment d'importance dans le fond... Que je participe au BigAir ou non, dans moins de deux semaines, le résultat sera le même : je serai de retour à Paris et je pourrai de nouveau dire adieu au surf et à ma vie d'ici. Alors pourquoi m'entêter à continuer si, finalement, je suis destinée à arrêter ? Le plus tôt sera sans doute le mieux. Le moins douloureux.

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